Annick de Souzenelle

« Les symboles sont les éléments de notre monde sensible dont chacun est signifiant et image de son correspondant archétypiel « en haut », le signifié. Il en porte la puissance et vibre avec lui en même temps que toutes les harmoniques rencontrées de l’un à l’autre,[…]
Ce « en même temps » correspond étroitement à la loi de la synchronicité dont parle Jung. Jung aborde ce sujet en s’appuyant en grande partie sur la tradition chinoise, sur le Tao. Par cette voie il dégage la correspondance qui existe entre un archétype et la série des symboles qui lui sont liés, ce qui amène, au plan du manifesté, l’apparition de plusieurs événements convergents comme d’étranges coïncidences aux yeux de l’ignorant qui les met sur le compte du hasard. »

 

« …..Le quatre introduit l’idée clos, secret, couvert, dans lequel celui qui séjourne vit une épreuve.
Toutes les traditions rendent compte de cette notion d’épreuve liée au nombre 4 : la mise en quarantaine répond à une loi ontologique. Chez les Egyptiens comme dans le monde judéo-chrétien, les quarante jours qui suivent la mort préparent un passage difficile à franchir.

La tradition sacrée de l’Ancienne Egypte rapporte que le Pharaon, quarante jours après son décès, devait se mesurer à un taureau avant d’entrer dans le séjour des dieux. Les rois de France n’étaient jamais enterrés avant le quarantième jour suivant leur mort.

Dans nos textes sacrés, le peuple hébreu marche quarante années dans le désert après sa sortie d’Egypte. Le Christ jeûne quarante jours dans le désert après son baptême. De même quarante jours de jeûne préparent le chrétien à la fête de Pâques, dont le sens étymologique est aussi « passage ». Dans ces mêmes mystères chrétiens, l’Ascension marque le quarantième jour après Pâques. Dans le ventre maternel, l’enfant mûrit durant sept quarantaines. Tous les exemples que nous pourrions multiplier sur ce thème à travers les différentes traditions rendraient compte de cette même notion de séjour-arrêt dans un lieu d’épreuve précédant un passage vécu comme une fête. »

Pierre Teilhard de Chardin

Hommage à cet Auvergnat illustre, né à Orcines, dont la pensée parfois difficile à suivre est toujours géniale.

À la loi de Lavoisier (rien ne se perd rien ne se crée), à la première loi de l’énergétique (on ne peut créer de l’énergie nouvelle, on ne fait que transformer l’énergie) et à la deuxième loi de l’énergétique (l’entropie tend vers un maximum, c’est-à-dire que l’énergie physique s’épuise et que le désordre de la matière augmente) s’ajoute ce que Teilhard nomme la Loi de complexité – conscience. C’est-à-dire que plus il y a complexification (des neutrons, protons et électrons aux atomes, molécules, cellules et mammifères, à l’humain et aux phénomènes sociaux) plus se construit la conscience d’être. Cette conscience d’être qui, à la limite, nous fait réaliser que notre devenir est entre nos mains. L’homme est au centre de ce phénomène puisque l’homme sait qu’il sait. Il est le premier capable de décider de lui-même de participer à l’Évolution qui est une montée vers la Conscience.
Le moment est venu de se rendre compte qu’une interprétation, même positiviste, de l’Univers doit, pour être satisfaisante, couvrir le dedans, aussi bien que le dehors des choses, – l’Esprit autant que la Matière. La vraie Physique est celle qui parviendra, quelque jour, à intégrer l’Homme total dans une représentation cohérente du monde.
« Constitution spirituelle et synthèse matérielle ne sont que les deux faces ou parties liées d’un même phénomène ». Ce qui signifie, à ses yeux que la spiritualité est inscrite dans la matière ou, en d’autres mots, que la matière porte en germe la spiritualité. Ainsi, à mesure que l’organisation de la matière monte en complexité, la conscience elle aussi peut grandir. D’où son énoncé de la Loi de complexité – conscience.

La vie commence avec les cellules à partir de méga molécules, il y a de ça quelque 3 milliards d’années. Avec ces cellules se construisent l’arborescence et l’expansion de la vie. Et dans cette arborescence, voici quelques 6 à 4,5  millions d’années, apparaît le phylum qui mène à l’humain.

À travers les millénaires, à mesure que le vivant s’organise, la conscience grandit:
« L’Homme non pas centre statique du monde,- comme il s’est cru longtemps; mais axe et flèche de l’Évolution,- ce qui est bien plus beau. »
« Du point de vue expérimental qui est le nôtre, la Réflexion, ainsi que le mot l’indique, est le pouvoir acquis par une conscience de se replier sur soi, et de prendre possession d’elle-même comme d’un objet doué de sa consistance et de sa valeur particulière : non plus seulement connaître, – mais se connaître; non plus seulement savoir, mais savoir que l’on sait.

Nous sommes tous des individus qui prenons conscience d’être dans notre rapport avec les autres.
Teilhard imagine que se développe à la surface de la Terre une nappe pensante : la noosphère. Nous sommes, chacun d’entre nous, des cellules de cette nappe pensante. Dans cette noosphère, l’Amour énergie s’accumule : « L’Amour, aussi bien que la pensée, est toujours en pleine croissance dans la Noosphère. » (Teilhard, précité, p. 41). Depuis l’apparition d’’homo sapiens il y a 200 000 ans, suivie du début de la socialisation, il y a environ 10 000 ans, puis du siècle des Lumières, l’homme voit l’Évolution s’accélérer. Teilhard voit le phénomène social comme la suite logique du phénomène biologique: « Le phénomène social : culmination, et non atténuation, du Phénomène Biologique.»

https://youtu.be/jyA0BWe1jpc

Médecine Navajos

La médecine traditionnelle des Navajos  s’appuie sur des traditions orales et des récits initiatiques. Pour les maîtriser, l’apprenti passe dix à quinze ans auprès d’un homme ou d’une femme médecin, un « hataali », qui possède déjà ce savoir. Le malade doit s’identifier à un « malade initial », personnage d’un récit initiatique, et traverser avec lui les dangers du récit, qui sont métaphoriquement ceux de la maladie, pour finalement accepter et surmonter ses peurs. C’est par ce processus initiatique que le malade atteint la guérison.

Il s’agit de guérir à la fois le corps et l’esprit. La personne malade est avant tout considérée comme une personne en déséquilibre, physiquement, psychiquement ou socialement. Le rôle de l’hataali est de recréer le lien entre le malade et sa communauté. Le malade, physique ou psychique, doit retrouver un état de communion avec tous ceux qu’il sera amené à rencontrer, même ses ennemis, pour être réintégré dans un équilibre social. Les cérémonies de guérison navajos sont appelées « Voies », ce qui souligne la responsabilité du malade dans le processus de guérison. Il doit identifier les situations de son quotidien qui l’ont amené à se sentir mal pour ensuite procéder aux modifications de comportement nécessaires afin de retrouver « hozho », l’harmonie. Après la guerre de Corée ou du Vietnam, la Voie de l’Ennemi était organisée afin que les vétérans surmontent leur traumatisme et se sentent en paix avec ceux qu’ils avaient tués.

Nausica Zaballos (Hérodote)

Les Upanishads

Tout homme se doit de lire les Upanishads

Un extrait

« Dans ce mauvais rêve que l’on visionne dans cette nuit qu’est la vie dans la matière, dans cette illusion vide qu’est le corps, tout ce qui est expérimenté comme faux-semblant, projeté par la vie empirique, ne peut être qu’impur. Dans l’enfance, on est stupéfait par l’ignorance ; dans la jeunesse, on est vaincu par une femme. Pour le restant de son temps, on est inquiété par son épouse. Que peut-on accomplir en tant qu’homme de moyenne capacité ? Mais la suite a de quoi faire hurler : l’irréalité chevauche sur les vagues de l’existence ; la laideur sur celles des jolies choses ; la peine sur celle des plaisirs. Y a-t-il une seule entité à laquelle on puisse se raccrocher ?

Ils trépassent eux aussi, ces hommes si importants que, du moindre cillement de leurs paupières, ils décident de la prospérité ou du désastre du monde. En regard, que représente un humble citoyen comme moi ? Cette vie empirique de l’être humain se trouve, dit-on, à la limite où commence la souffrance (des mondes inférieurs, ou enfers). Dès lors que le corps s’y est profondément incarné, comment le plaisir peut-il devenir une victoire définitivement acquise ?

Je suis éveillé ! Je suis éveillé ! Le voici, cet infâme voleur qui a empoisonné ma vie, le mental ! Je vais le détruire : trop longtemps, j’ai supporté ses attaques.

Ne sois pas déprimé. Ne cherche pas à saisir, c’est ce qui est justement à éviter. Abandonne l’idée de rejet autant que de saisie, enracine-toi profondément dans ce qui n’est ni à saisir ni à rejeter, et demeure intégralement ferme.

Le connaisseur, qui s’est délesté de toute chose susceptible de rejet ou de saisie, possède, tout en étant dépouillé d’impressions latentes, les attributs suivants : libération du désir et de la peur, de l’impulsion et de l’action ; éternité, égalité, sagesse, douceur, certitude, fermeté, amabilité, contentement, charité, voix douce et posée.
(…)
Pour tous ceux qui vivent en grandes âmes, l’humanité entière ne constitue qu’une seule famille. Réfugie-toi en cet état de liberté vis à vis de toutes les considérations du monde, par-delà la vieillesse et la mort, là où toutes les constructions mentales sont taries, où nul attachement ne peut trouver un point d’ancrage.

Cet état est celui de Brahman, d’une pureté absolue, au-delà de l’inextinguible avidité comme de la souffrance.

Ainsi équipé, on parcourt librement la terre sans être abattu par les crises qui peuvent survenir. »
(Maha Upanishad, VI, 22-30 & 73-74, p. 401 & 404-405)

Merveilleux soufisme

« Trente oiseaux seulement atteignent le palais du Simorgh. Le chambellan leur présente alors un miroir; ces trente oiseaux contemplèrent enfin la face du spirituel, et perçurent qu’ils voyaient bien Simorgh. Ils étaient stupéfaits, ne sachant plus s’ils étaient restés eux-mêmes ou s’ils était devenus Simorgh. »

Avec la Conférence des oiseau, le poète persan Farid ad-Dîn ‘Attar (environ 1145-1220) conte, au fil d’un voyage imaginaire des oiseaux en quête de leur roi le Simorgh, l’itinéraire mystique du soufisme persan, pour lequel Dieu n’est pas extérieur au monde, mais présent dans la totalité de l’univers.

Petit Papa Noël

Extrait du blog de JACQUES BERTHOMEAU

 » Petit Papa Noël
Quand tu descendras du ciel, prends l’escalier de service plutôt que l’ascenseur social qui est en panne depuis des plombes, pense à Gabriel Péri, à Honoré d’Estienne d’Orves, à Guy Môquet et Gilbert Dru, laisse de côté les niaiseries de Tino Rossi, avec ses petits souliers et ses jouets par milliers, sonne à ma porte quelle que soit l’heure, je t’ouvrirai, t’accueillerai, autour d’un verre de vin qui pue nous partagerons le pain et le sel, nous ne referons pas le monde car il est en si piteux état que certains pensent qu’il court à sa perte, nous avec, du moins nos enfants et nos petits-enfants, nous n’évoquerons point les points de nos retraites vu que nous sommes de vieux cons privilégiés, au troisième godet de vin nu, en nous tapant la cloche de bouts de fromages qui puent, nous commenceront à déblatérer, à dresser la liste de ceux qui pensent à notre place, de ceux qui nous pourrissent la vie, de ceux qui le cul sur leur chaise prêche la Révolution, de ceux qui mettent les doigts dans la confiture, de ceux qui ont oublié que gouverner c’est choisir, aux c’est pas de ma faute, à ce régime là nous risquons d’y passer la nuit, autour de trois heures du matin nous nous souviendrons que, petits cons, nous proclamions à pleins poumons, élections piège à cons, au petit matin nous ouvrirons une roteuse pour accompagner un bout de brioche, comme tu n’as pas d’âge tu égrèneras tes souvenirs de toutes les guerres qui devaient être la der des der, et puis, même si les cocos ont trahi, de Budapest à la Tchécoslovaquie en passant par le mur de Berlin et le Goulag, nous évoquerons l’Aragon de la Résistance :

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l’échelle
Et lequel guettait en bas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Qu’importe comment s’appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l’un fût de la chapelle
Et l’autre s’y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du cœur des bras
Et tous les deux disaient qu’elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au cœur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l’un chancelle
L’autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l’autre gèle
Lequel préfère les rats
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Un rebelle est un rebelle
Nos sanglots font un seul glas
Et quand vient l’aube cruelle
Passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu’aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Il coule il coule il se mêle
A la terre qu’il aima
Pour qu’à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
L’un court et l’autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L’alouette et l’hirondelle
La rose et le réséda

Louis Aragon, « La Rose et le Réséda » « 

Gilgamesh

Excellente analyse de l’épopée de Gilgamesh par Cocidoine (février 2019):
…2000 ans avant JC, vous vous rendez compte….
Et cette épopée est à l’origine d’une multitude d’écrits qu’elle a inspirés chez toutes les civilations humaines…dont la Bible…
Fascinant!!!

« Gilgamesh est le livre d’une vie. Auquel on repense, et l’on revient périodiquement. Comme il est ouvert à toutes les interprétations, il donne nécessairement à réfléchir. En dehors des poèmes dont la beauté transparaît, malgré l’infranchissable mutisme d’une langue perdue depuis des millénaires, la grande morale reste éternelle: comment supporter l’insurmontable scandale de la mort? « Je veux aller bien loin par la plaine! Je ne sais comment me taire; je ne sais comment crier! Mon ami que j’aimais n’est plus que fange! » Ca ne touchera que ceux pour qui amitié a encore un sens, que ceux qui auront connu la mort et l’auront éprouvée durement, que ceux qui auront connu la guerre et son injustice foncière, que ceux qui ont compris par la révélation du néant qu’il n’y a pas d’au-delà et qu’une fois mort, on est foutu.
Mais au-delà du concret, l’amitié de Gilgamesh et d’Enkidu, c’est aussi la condition humaine elle-même, symboliquement tiraillée entre la volonté du surhomme inaccessible et le bonheur perdu du bon sauvage. Mais cela aussi, il faut avoir vécu pour le sentir vivement. Et c’est encore vrai des paroles de Gilgamesh en réponse aux avances d’Ishtar. La grande morale de ce récit d’avant les Temps, mais qui n’appartiendra jamais au passé parce qu’il parle de ce qui, justement, ne passe pas et ne passera jamais tant qu’il y aura des hommes – la grande morale de ce récit, c’est qu’il faut vivre. Se débarrasser de tout ce qui fait écran entre la vie et nous, parce que rien ne dure: « Est-ce pour toujours que nous bâtissons nos maisons, pour toujours que nous marquons de notre sceau ce qui nous appartient? » Non.
C’est pourquoi il faut profiter de la vie tant qu’elle dure, vivre en harmonie avec la nature, se consacrer aux siens, faire preuve envers les autres d’humanité et leur témoigner amitié et justice. Sans doute, les blasés trouveront que c’est bien médiocre et pas du tout pétillant. C’est parce qu’ils projettent leur propre médiocrité sur ce qu’il y a de plus beau et de plus fort en ce monde. Après tout, « blasé », n’est-ce pas l’appellation classique du no-life? « Il y a des hommes, O Roi, qui vivent une vie qui ressemble à la mort, et quand ils sont retournés à la boue, on ne voit pas la différence »… »

Un court extrait de ce poème:

« Où vas-tu Gilgamesh?
La vie que tu cherches
tu ne la trouveras pas.
Lorsque les grands dieux créèrent les hommes,
c’est la mort qu’ils leurs destinèrent
et ils ont gardé la vie éternelle,
mais toi Gilgamesh
que sans cesse ton ventre soit repu
sois joyeux nuit et jour
danse et joue
fais chaque jour de ta vie
une fête de joie et de plaisirs
que tes vêtements soient propres et somptueux
lave ta tête et baigne-toi
flatte l’enfant qui te tient par la main
réjouis l’épouse qui est dans tes bras.
Voilà les seuls droits que possèdent
les hommes »