Pierre Teilhard de Chardin

Hommage à cet Auvergnat illustre, né à Orcines, dont la pensée parfois difficile à suivre est toujours géniale.

À la loi de Lavoisier (rien ne se perd rien ne se crée), à la première loi de l’énergétique (on ne peut créer de l’énergie nouvelle, on ne fait que transformer l’énergie) et à la deuxième loi de l’énergétique (l’entropie tend vers un maximum, c’est-à-dire que l’énergie physique s’épuise et que le désordre de la matière augmente) s’ajoute ce que Teilhard nomme la Loi de complexité – conscience. C’est-à-dire que plus il y a complexification (des neutrons, protons et électrons aux atomes, molécules, cellules et mammifères, à l’humain et aux phénomènes sociaux) plus se construit la conscience d’être. Cette conscience d’être qui, à la limite, nous fait réaliser que notre devenir est entre nos mains. L’homme est au centre de ce phénomène puisque l’homme sait qu’il sait. Il est le premier capable de décider de lui-même de participer à l’Évolution qui est une montée vers la Conscience.
Le moment est venu de se rendre compte qu’une interprétation, même positiviste, de l’Univers doit, pour être satisfaisante, couvrir le dedans, aussi bien que le dehors des choses, – l’Esprit autant que la Matière. La vraie Physique est celle qui parviendra, quelque jour, à intégrer l’Homme total dans une représentation cohérente du monde.
« Constitution spirituelle et synthèse matérielle ne sont que les deux faces ou parties liées d’un même phénomène ». Ce qui signifie, à ses yeux que la spiritualité est inscrite dans la matière ou, en d’autres mots, que la matière porte en germe la spiritualité. Ainsi, à mesure que l’organisation de la matière monte en complexité, la conscience elle aussi peut grandir. D’où son énoncé de la Loi de complexité – conscience.

La vie commence avec les cellules à partir de méga molécules, il y a de ça quelque 3 milliards d’années. Avec ces cellules se construisent l’arborescence et l’expansion de la vie. Et dans cette arborescence, voici quelques 6 à 4,5  millions d’années, apparaît le phylum qui mène à l’humain.

À travers les millénaires, à mesure que le vivant s’organise, la conscience grandit:
« L’Homme non pas centre statique du monde,- comme il s’est cru longtemps; mais axe et flèche de l’Évolution,- ce qui est bien plus beau. »
« Du point de vue expérimental qui est le nôtre, la Réflexion, ainsi que le mot l’indique, est le pouvoir acquis par une conscience de se replier sur soi, et de prendre possession d’elle-même comme d’un objet doué de sa consistance et de sa valeur particulière : non plus seulement connaître, – mais se connaître; non plus seulement savoir, mais savoir que l’on sait.

Nous sommes tous des individus qui prenons conscience d’être dans notre rapport avec les autres.
Teilhard imagine que se développe à la surface de la Terre une nappe pensante : la noosphère. Nous sommes, chacun d’entre nous, des cellules de cette nappe pensante. Dans cette noosphère, l’Amour énergie s’accumule : « L’Amour, aussi bien que la pensée, est toujours en pleine croissance dans la Noosphère. » (Teilhard, précité, p. 41). Depuis l’apparition d’’homo sapiens il y a 200 000 ans, suivie du début de la socialisation, il y a environ 10 000 ans, puis du siècle des Lumières, l’homme voit l’Évolution s’accélérer. Teilhard voit le phénomène social comme la suite logique du phénomène biologique: « Le phénomène social : culmination, et non atténuation, du Phénomène Biologique.»

https://youtu.be/jyA0BWe1jpc

Les Upanishads

Tout homme se doit de lire les Upanishads

Un extrait

« Dans ce mauvais rêve que l’on visionne dans cette nuit qu’est la vie dans la matière, dans cette illusion vide qu’est le corps, tout ce qui est expérimenté comme faux-semblant, projeté par la vie empirique, ne peut être qu’impur. Dans l’enfance, on est stupéfait par l’ignorance ; dans la jeunesse, on est vaincu par une femme. Pour le restant de son temps, on est inquiété par son épouse. Que peut-on accomplir en tant qu’homme de moyenne capacité ? Mais la suite a de quoi faire hurler : l’irréalité chevauche sur les vagues de l’existence ; la laideur sur celles des jolies choses ; la peine sur celle des plaisirs. Y a-t-il une seule entité à laquelle on puisse se raccrocher ?

Ils trépassent eux aussi, ces hommes si importants que, du moindre cillement de leurs paupières, ils décident de la prospérité ou du désastre du monde. En regard, que représente un humble citoyen comme moi ? Cette vie empirique de l’être humain se trouve, dit-on, à la limite où commence la souffrance (des mondes inférieurs, ou enfers). Dès lors que le corps s’y est profondément incarné, comment le plaisir peut-il devenir une victoire définitivement acquise ?

Je suis éveillé ! Je suis éveillé ! Le voici, cet infâme voleur qui a empoisonné ma vie, le mental ! Je vais le détruire : trop longtemps, j’ai supporté ses attaques.

Ne sois pas déprimé. Ne cherche pas à saisir, c’est ce qui est justement à éviter. Abandonne l’idée de rejet autant que de saisie, enracine-toi profondément dans ce qui n’est ni à saisir ni à rejeter, et demeure intégralement ferme.

Le connaisseur, qui s’est délesté de toute chose susceptible de rejet ou de saisie, possède, tout en étant dépouillé d’impressions latentes, les attributs suivants : libération du désir et de la peur, de l’impulsion et de l’action ; éternité, égalité, sagesse, douceur, certitude, fermeté, amabilité, contentement, charité, voix douce et posée.
(…)
Pour tous ceux qui vivent en grandes âmes, l’humanité entière ne constitue qu’une seule famille. Réfugie-toi en cet état de liberté vis à vis de toutes les considérations du monde, par-delà la vieillesse et la mort, là où toutes les constructions mentales sont taries, où nul attachement ne peut trouver un point d’ancrage.

Cet état est celui de Brahman, d’une pureté absolue, au-delà de l’inextinguible avidité comme de la souffrance.

Ainsi équipé, on parcourt librement la terre sans être abattu par les crises qui peuvent survenir. »
(Maha Upanishad, VI, 22-30 & 73-74, p. 401 & 404-405)

Merveilleux soufisme

« Trente oiseaux seulement atteignent le palais du Simorgh. Le chambellan leur présente alors un miroir; ces trente oiseaux contemplèrent enfin la face du spirituel, et perçurent qu’ils voyaient bien Simorgh. Ils étaient stupéfaits, ne sachant plus s’ils étaient restés eux-mêmes ou s’ils était devenus Simorgh. »

Avec la Conférence des oiseau, le poète persan Farid ad-Dîn ‘Attar (environ 1145-1220) conte, au fil d’un voyage imaginaire des oiseaux en quête de leur roi le Simorgh, l’itinéraire mystique du soufisme persan, pour lequel Dieu n’est pas extérieur au monde, mais présent dans la totalité de l’univers.

De l’Islam

Pour ceux qui ont suivi (sans doute désemparés comme je l’ai été) le récent « débat » Sifaoui/Zemour, pour ceux (comme moi) qui s’indignent du comportement de la Sorbonne et de l’annulation du projet de formation demandé à M. Sifaoui qui lui a coûté deux ans de travail, pour les « nuls » (comme moi) attirés par ce qu’ils connaissaient de la philosophie soufiste, l’analyse de Nader Allouche dans Marianne (que je rapporte ci-dessous) me parait très enrichissante.
Ensuite, suit le  « débat » pour qui ne l’a pas encore vu. (seul le lien apparait dans la notification par mail)
Moralité, il faut sans doute se garder des exposés aux idées simplistes à destination « grand public » 🙂

« Le Soufisme n’est pas la solution à l’extrémisme musulman
Mohammed Sifaoui a raison de rappeler à Eric Zemmour que les Frères musulmans et le salafisme sont des mouvements schismatiques du reste de l’islam. Mais de parler de cet autre islam, autrefois majoritaire et même exclusif, comme de courants pacifiques et modernes m’a beaucoup étonné.
Nombre de maîtres soufis canoniques ont fait l’apologie du djihad expansif ou de la persécution des juifs et des chrétiens
Quand Sifaoui a cité le soufisme comme exemple de l’existence de courants modérés dans l’islam, il a montré que d’érudition sur la religion mahométane, il n’a que le strict minimum. Le soufisme n’est pas un mouvement pacifiste ; il n’est même pas un mouvement du tout. Le soufisme est la gnose de l’islam sunnite, dont il pratique le rite, et à la Charia duquel ses maîtres et ses fidèles obéissent scrupuleusement. Nombre de maîtres soufis canoniques ont fait l’apologie du djihad expansif ou de la persécution des juifs et des chrétiens. Sur la violence chez les soufis, nous pouvons citer les travaux excellents de Razika Adnani.
Pour mieux comprendre ce qu’a dit Sifaoui
Je suis sidéré par ailleurs que, sur une antenne grand public, Mr Sifaoui ait pu parler en des termes très élogieux du « malikisme ». Le malikisme est une école juridique et un rite musulmans.
Pour faire simple, l’islam sunnite connait deux écoles théologiques, quatre juridictions ou écoles juridiques (qu’on appelle en vulgarisation des charias : il y a donc quatre charias de référence), qui sont aussi des rites (puisque, entre autres, elles codifient le rituel religieux), et plusieurs dizaines de « voie » soufies (pour la mystique). L’islam sunnite se décompose donc en trois disciplines: la théologie, le droit et le rite, et la mystique.
Un musulman sunnite doit se choisir une école théologique parmi les deux proposées, il doit s’affilier à une juridiction parmi les quatre reconnues, il doit respecter le rite découlant de sa juridiction et il peut, s’il veut, se choisir une « voie » soufie pour pratiquer la spiritualité. Voilà exactement ce que veut dire canoniquement être un musulman sunnite.
Le malikisme, le problème maghrébin de l’islam français
Ce qui intéresse le public français, c’est la charia. Alors, restons-y. Il se trouve que le musulman choisit rarement librement sa charia et son rite. Dans le Droit musulman, les fidèles sont sous le Commandement du « Prince » (au Maroc, on dit Commandeur) et donc de la charia qu’il s’est choisie, et ils doivent, ainsi, également suivre le rite du Prince. En Afrique du Nord, la charia et le rite de référence sont le malikisme. Monsieur Sifaoui est malikite de naissance.
La charia malikite est la plus violente et la plus archaïque des quatre charias de référence. Quand Monsieur Sifaoui déclare qu’il y a de bons courants dans l’islam et qu’il cite le malikisme, il y a de quoi s’étonner. Nos compatriotes français de confession juive, originaires d’Afrique du Nord, dont l’Histoire devrait beaucoup plus nous intéresser et a beaucoup à nous apprendre sur l’islam, le savent bien. Leurs aïeux qui ont vécu sous le joug du sultan marocain ou des beys de Tunis et d’Alger, ont toujours en mémoire la grande violence sociale et judiciaire de l’islam malékite à leur encontre, et c’est d’ailleurs pourquoi, en Algérie, ils n’ont pas hésité une seconde à choisir la France, alors qu’ils vivaient dans ce pays depuis l’Antiquité.
M. Sifaoui est passé à côté du sujet et n’a pas joué son rôle
Même si les efforts en publicité du Maroc, pour le faire oublier, ont bien réussi, certains, comme Eric Zemmour, ont la mémoire tenace, et font obstacle à toutes les mythologies hallucinantes développées autour de l’islam maghrébin, comme la convivienza en Andalousie ou la soi-disant protection de Muhammad V à ses sujets juifs, dhimmis, pendant la deuxième guerre mondiale. Cependant, chez Eric Zemmour, il ne s’agit pas seulement de lucidité et d’humanisme, mais, je le déplore vivement, de nationalisme français, fallacieux et fascisant. On le constate sans appel, quand il reproche à Mohammed Sifaoui son apologie de la République et de la démocratie plutôt que de la France. Est-ce à dire pour Monsieur Zemmour que nous devrions aimer la France de l’inquisition et de la monarchie absolue et nous en revendiquer?
En Égypte, au Liban, en Turquie : l’islam des Lumières
Si l’islam maghrébin traditionnel est archaïque et inconciliable avec la République, a contrario, les islams d’Istanbul, du Caire, de Bagdad et de Damas offrent des fenêtres pour que s’y engouffre la modernité. Le hanafisme et le chaféïsme (les deux charias de référence dans ces cités) ont d’ailleurs permis des jours plus heureux aux chrétiens et aux juifs que ces derniers n’en ont eu en Afrique du Nord. Ne dit-on pas à ce propos : « heureux comme un juif en Irak » ?
À mon humble avis, M. Sifaoui est passé à côté du sujet et n’a pas joué son rôle, qui, dans cette émission, face à Eric Zemmour, devait être celui d’un érudit et d’un éclaireur sur l’islam.
Le problème fondamental en France est que les musulmans, pour une bonne partie originaires d’Afrique du Nord, obéissent à la charia malikite, qui est la plus dure et la plus violente des quatre charias de référence. Les français musulmans originaires de Turquie, du Liban, d’Égypte, d’Irak… n’ont pas ce problème. Ils relèvent des charias hanafite et chaféïte, plus douces et plus souples.
Le problème n’est pas seulement les Frères musulmans et le salafisme
En filigrane, se pose la question de l’immigration : si les Maghrébins ont la charia et le rite les plus contrariants de tout le monde musulman, n’est-il pas préférable d’accueillir des réfugiés syriens plutôt que des immigrés marocains ou algériens ? Au lieu de coopérer avec le Roi du Maroc et Alger sur l’organisation de l’islam en France et sur la formation des imams, ne serait-il pas mieux de frapper à la porte du Grand Mufti de Beyrouth ou d’Égypte ?
Ce que Zemmour et Sifaoui auraient dû dire et qu’a priori, ils ne savent pas, c’est que le problème n’est pas seulement les Frères musulmans et le salafisme. Le problème est d’abord et surtout l’islam malikite du Maroc, d’Algérie et de Tunisie, contre lequel la société française et en premier lieu les musulmans de notre pays doivent s’élever. »

https://youtu.be/6oACn6ei9mg