Covid: Face aux variants, les labos cherchent la martingale
Les vaccins mis au point sur la base du génome du virus apparu en Chine vont perdre de leur efficacité avec les mutations du SARS-CoV-2. Ils doivent soit s’adapter au fil du temps, soit trouver une formule qui ne se périme pas ou pas trop vite.
Face aux variants, les laboratoires travaillent actuellement à adapter les vaccins existants et à mettre au point un vaccin universel.
Variant britannique, variant sud-africain, variant Henri-Mondor et californien , variant amazonien et désormais indien : la place du virus historique chinois, contre lequel ont été conçus les vaccins, se réduit comme peau de chagrin. En France, dans les régions les plus touchées, c’est maintenant le variant anglais qui domine, représentant jusqu’à 80 % des cas et il pourrait céder la place bientôt au variant brésilien. Avec comme conséquence une diminution, voire une disparition de l’immunité que procurent les vaccins . Pour les industriels du domaine, ce n’est pas une surprise. « Même si tous ne le font pas, c’est normal qu’un virus mute, explique Jamila Louahed, qui dirige la R & D vaccins de GSK. Les mutations qui le rendent plus infectieux et/ou qui lui apportent une meilleure protection sont sélectionnées ». Jusqu’à un point où il va trouve un équilibre avec son environnement. On évolue alors vers une forme endémique de la maladie.
Deux possibilités s’ouvrent aujourd’hui aux laboratoires pharmaceutiques, qui ne sont pas exclusives l’une de l’autre. La première consiste à adapter les vaccins existants grâce à la « mise à jour » régulière des antigènes . La première approche est celle retenue par exemple par Moderna. « Nous venons de débuter en avril, un essai clinique de phase II, qui explore trois hypothèses pour maintenir l’efficacité du vaccin initial dit, mRNA-1273, face au variant sud-africain, explique Stéphane Bancel, patron de Moderna. Nous avons mis au point un nouvel ARN qui en inclut certaines mutations », poursuit-il. Un tiers des participants à l’essai, qui inclut 60 personnes déjà vaccinées, va recevoir cette nouvelle version. Un autre tiers recevra une troisième dose de la version initiale. Enfin un dernier groupe recevra un mélange de la version initiale et de la nouvelle version. « Au stade préclinique, c’est cette dernière option qui avait donné les meilleurs résultats induisant des taux d’anticorps équivalents contre les deux variants du virus », observe le dirigeant. Sous réserve de confirmation lors de la phase II, c’est donc vers cette stratégie que Moderna s’oriente dans un premier temps.
Visualisation tridimensionnelle
Une autre façon de maintenir le niveau de protection des vaccins qui n’utilise pas la technologie ARN, consiste à ajouter un adjuvant pour augmenter l’immunité croisée, c’est-à-dire l’immunité suscitée par des antigènes plus faiblement reconnus mais qui sont communs aux différents variants. « On peut identifier ces antigènes grâce à la biologie structurale qui permet une visualisation tridimensionnelle du virus, et donc l’identification des régions les mieux conservées », explique Jamila Louahed. GSK, champion des adjuvants a ainsi passé des accords avec Sanofi (vaccin en phase II) mais aussi avec le canadien Medicago (phase III).
Privilégier les antigènes conservés quel que soit le variant pour produire un vaccin universel est la seconde option possible . Le vaccin de nouvelle génération, mRNA-1283, actuellement en phase I est une tentative dans cette direction. Au lieu de coder la protéine Spike entière, critique pour la neutralisation du virus, il est centré sur deux portions de celle-ci, , et devrait en outre pouvoir se conserver dans un simple réfrigérateur.
Le gros avantage, d ‘un vaccin universel, c’est qu’au lieu d’une adaptation après coup, il doit permettre d’anticiper les mutations . « Car il n’y a pas d’antigènes fixes à 100 % sur le SARS-CoV-2. Ce qu’on essaye de prédire c’est plutôt un degré de variabilité », explique Pascal Brandys, qui dirige Phylex Biosciences en Californie. « En faisant de la sélection in vitro du virus sur du sérum post-convalescent, on voit très bien où s’exerce la pression de sélection et donc quels sites du virus mutent le plus », poursuit-il. Si l’antigène n’est pas trop grand, on peut aussi étudier par combinatoire toutes les mutations possibles en un point. Mais si l’antigène est, comme dans les vaccins actuels, la protéine Spike entière, ce n’est pas possible.
Autres vaccins universels
Phylex a choisi, pour sa part, un antigène plus petit, dans une région clé du virus pour sa pénétration dans les cellules. Les recherches précliniques terminées, il faut maintenant produire les lots cliniques et c’est finalement une technologie d’ARN messager qui a été retenue. Et obtenir les autorisations pour commencer les essais chez l’Homme, au deuxième semestre en principe.
La société lyonnaise Osivax, a fait, elle, un autre choix : celui d’utiliser la protéine N qui protège le virus, bien qu’elle ne soit pas exempte de mutations. Mais elle ne participe pas à l’infection et ne suscite pas la production d’anticorps, s’appuyant uniquement sur la réponse immunitaire cellulaire.
Rappelons toutefois qu’il n’existe pas à ce jour de vaccin universel pour d’autres virus qui mutent rapidement comme celui de la grippe ou du sida. Les progrès en vaccinologie réalisés à l’occasion de cette pandémie le permettront-ils ? Les obstacles ne sont pas seulement technologiques. Le vaccin actuel contre la grippe n’offre pas une bonne protection mais il représente une source de revenus récurrents pour ceux qui le fabriquent. Pas sûr qu’ils aient vraiment intérêt à y renoncer pour un vaccin permanent. Quant au sida, s’il n’y a pas de vaccin du tout, les progrès des trithérapies, y compris à titre prophylactique, rendent son intérêt fait question, en tout cas d’un point de vue économique.
Catherine Ducruet dans les Echos, le 26 avril