Pour Julien, précisions sur mon explication antérieure concernant un médicament potentiel auquel j’ai dit croire:
La neuropiline, l’autre porte d’entrée pour le SARS-CoV-2
On connaissait une voie d’entrée du coronavirus dans les cellules, le récepteur ACE2. Deux équipes en ont identifié une autre, avec à la clé un traitement potentiel.
Une protéine de surface du SARS-CoV-2, le virus responsable du Covid-19, concentre une part importante de l’attention depuis le début de l’épidémie : la protéine Spike (ou S). En effet, c’est grâce à elle que le coronavirus infecte les cellules humaines lorsqu’elle s’associe avec un récepteur présent à la surface de ces dernières, le récepteur ACE2 (pour « enzyme de conversion de l’angiotensine 2 »). La fusion de l’enveloppe virale avec la membrane cellulaire qui s’ensuit permet au génome du virus d’entrer dans la cellule hôte, laquelle se met alors à produire de nouveaux virus. Est-ce la seule voie d’accès ? C’est ce que l’on croyait, mais deux études indépendantes viennent de mettre en évidence une autre porte d’entrée pour le nouveau coronavirus dans les cellules humaines. L’équipe menée par James Daly, de l’université de Bristol, en Grande-Bretagne, et celle de Ludovico Cantuti-Castelvetri, de l’université de Munich, en Allemagne, ont montré que la protéine S du SARS-CoV-2 reconnaît aussi une protéine transmembranaire, la neuropiline, et s’y lie. L’infection des cellules par le coronavirus en serait facilitée.
Pour Ludovico Cantuti-Castelvetri et ses collègues, le point de départ fut une question : pourquoi le SARS-CoV, responsable de l’épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère qui a sévi en Asie entre 2002 et 2004, et le SARS-CoV-2 en cause dans l’actuelle pandémie, se propagent-ils différemment alors qu’ils utilisent tous deux le récepteur ACE2 ? Pour répondre, les chercheurs se sont intéressés au génome du nouveau coronavirus disponible depuis janvier 2020, et notamment à la partie qui code la protéine S. En comparant avec le génome du SARS-CoV, ils ont identifié une petite séquence propre au SARS-CoV-2, qui code un motif ressemblant à celui que l’on trouve dans les protéines humaines interagissant avec la neuropiline.
Un motif caractéristique
Plus précisément, ce motif est une succession de quatre acides aminés (Arg-Arg-Ala-Arg), noté RRAR, et reconnu par des protéases nommées « furines ». Ces enzymes coupent la protéine S en deux morceaux notés S1 et S2. Ce clivage entraîne l’exposition par S1 d’un motif dit CendR, connu pour se lier à la partie extracellulaire des neuropilines. Est-ce le cas ici ? Oui, comme l’a confirmé l’équipe de James Daly par des analyses cristallographiques aux rayons X : le motif CendR de S1 se lie bel et bien à la neuropiline.
En parallèle, le groupe de Ludovico Cantuti-Castelvetri s’est livré à l’autopsie de six patients Covid-19 et de huit sujets témoins non infectés. Les chercheurs ont comparé l’expression des gènes ACE2 et de la neuropiline dans du tissu pulmonaire et dans l’épithélium olfactif. Alors qu’ACE2 a été détecté à des niveaux très bas, la neuropiline était abondante dans presque toutes les cellules pulmonaires et olfactives. Et dans cinq cas sur six, les cellules de l’épithélium olfactif dotées uniquement de neuropiline étaient infectées par le SARS-CoV-2. Le nouveau coronavirus peut donc se passer du récepteur ACE2 !
Une cible thérapeutique potentielle
Dans les régions où ACE2 est rare voire absent, le nouveau coronavirus utilise la neuropiline. Mais l’infection est plus importante quand les cellules disposent des deux « portes d’entrée » plutôt qu’une seule. De fait, en éliminant la neuropiline dans des cellules humaines en culture, ou bien en utilisant un anticorps dirigé contre cette protéine, les deux équipes ont réduit le pouvoir infectieux du SARS-CoV-2.
La neuropiline gagne donc ses galons de nouvelle cible potentielle dans la lutte contre le Covid-19. Le blocage de cette protéine sera-t-elle une approche thérapeutique efficace ? Il est encore trop tôt pour se prononcer, insistent les auteurs. Mais la réponse ne tardera peut-être pas : au sein de l’équipe menée par Ludovico Cantuti-Castelvetri, des chercheurs de l’université de Helsinki ont déjà commencé à tester des nouvelles molécules spécifiquement conçues pour interrompre la connexion entre le virus et la neuropiline