Hybrides rechargeables?

Automobile : le boom des hybrides rechargeables terni par les critiques

Les ventes de voitures hybrides rechargeables s’envolent littéralement depuis quelques mois en Europe. Plusieurs rapports récents ont toutefois pointé que leurs émissions de CO 2 étaient supérieures aux valeurs affichées, jetant un doute sur leur avenir.

Par Anne Feitz (Les Echos) Publié le 30 nov. 2020

Les constructeurs ont mis longtemps à s’y mettre, mais ils se félicitent aujourd’hui d’avoir franchi le pas. Depuis quelques mois, les ventes de voitures hybrides rechargeables s’envolent littéralement. Selon les données de l’European Electric Car Report de l’analyste berlinois Matthias Schmidt, elles ont atteint 418.000 unités en Europe de l’Ouest sur les dix premiers mois de 2020, soit 4,7 % des ventes de voitures neuves. C’est presque trois fois plus que sur la même période de l’année précédente (+ 190 %).

Une progression bien supérieure à celle des immatriculations de voitures 100 % électriques, pourtant elles-mêmes en plein décollage (+ 76 % sur 10 mois, à 479.000 unités). Le PHEV (plug-in hybrid vehicle), qui représente désormais 46 % des modèles à batteries rechargeables sur le Vieux Continent, rattrape à vitesse grand V son retard sur l’électrique pur.

Sécurité pour partir en week-end

C’est que ces voitures, équipées à la fois d’un moteur électrique et d’un moteur thermique, représentent une transition idéale vers l’électrique. « En moyenne, les Français roulent 29 kilomètres par jour : l’autonomie électrique des hybrides rechargeables, d’environ 50 kilomètres, suffit pour ne rouler que sur la batterie la plupart du temps », souligne Cécile Goubet, déléguée générale de l’Avere-France. « Et le moteur thermique représente une sécurité pour partir en week-end ou en vacances, que les voitures 100 % électriques, dont l’autonomie est souvent limitée à 350 ou 400 kilomètres, n’apportent pas encore ».

Dans l’Hexagone, les hybrides rechargeables progressent plus vite que la moyenne européenne : leurs ventes ont été multipliées par 3,6 sur les dix premiers mois de l’année (+260 %, à 50.480), contre un bond de 130 % pour le pur électrique . En octobre, elles les ont même dépassées pour la première fois.

« Nous étions en retard, notamment parce que l’offre n’était pas suffisante », commente Cécile Goubet. Or, ces derniers mois, les constructeurs ont sorti plusieurs modèles attractifs, qui ont dopé la demande : Toyota et son RAV4, Peugeot et son 3008, ou encore Volvo et son XC40. « Cette motorisation représente près de 15 % des ventes de la 3008 », dit Anne Lise Richard, responsable des véhicules électrifiés chez PSA. De même chez Renault, le Captur PHEV fait un carton depuis son lancement en juin.

Dans le collimateur des ONG

Les constructeurs ont d’autant plus intérêt à pousser cette motorisation que ses émissions affichées de CO2 (entre 30 et 50 g/km) les aideront à passer leurs objectifs européens en la matière, contraignants pour la première fois cette année.

Les PHEV sont toutefois depuis quelques mois dans le collimateur des ONG environnementales. Plusieurs études récentes, réalisées par des organisations sérieuses comme Transport & Environnement (T & E) ou International Council on Clean Transportation (ICCT), ont montré que leurs émissions réelles étaient bien supérieures dans la réalité à celles affichées lors des homologations.

La dernière en date, réalisée par T & E sur trois modèles (une BMW X5, une Volvo XC60, et le Mistubishi Outlander), a montré par exemple que, même en partant avec une batterie rechargée à bloc, les émissions étaient supérieures de 28 % à 89 % aux valeurs affichées, sachant que le moteur thermique peut s’enclencher même dans ce cas. Et que le passage sur le moteur thermique les faisait bondir entre 2,5 et 8 fois la valeur affichée. Les études précédentes avaient, elles, pointé des émissions réelles en moyenne supérieures de 2,5 à 4 fois aux valeurs annoncées, dénonçant plutôt une mauvaise utilisation des PHEV par les automobilistes.

Mauvaise utilisation

Les constructeurs défendent leur bonne foi. « Nous recommandons à nos clients de recharger leur véhicule au moins 5 jours sur 7 », insiste Ivan Segal, directeur commercial France de Renault. « Sans recharge, le PHEV n’est pas économiquement intéressant », dit-il. De fait, ces véhicules et leur double motorisation sont plus lourds de 200 à 300 kg que leurs équivalents thermiques, et donc plus consommateurs de carburant.

Le décalage entre les recommandations et l’usage est d’autant plus important que les PHEV sont plébiscités par les professionnels, pas forcément incités à une utilisation vertueuse. Tenues par la loi LOM de verdir leurs flottes, les entreprises représentent dans l’Hexagone, selon Cécile Goubet, les deux tiers des achats de PHEV, qui bénéficient d’incitations fiscales intéressantes, en plus du bonus à l’achat de 2.000 euros rétabli cet été.

Les analystes de Goldman Sachs estiment que la pénétration des hybrides rechargeables en Europe de l’Ouest passera de 5 % cette année à 10 % en 2025. Mais le débat qu’elles suscitent actuellement pourrait, selon eux, provoquer de nouvelles réglementations (obligation de recharge, limitations de circulation, retrait des subventions), susceptibles de peser sur les ventes.

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