Alain Rey

Conscient d’être anachronique, amoureux des mots et de notre si belle langue, je veux rendre hommage à Alain Rey , né à Pont-du-Château, Ponduch  🙂 , cet homme qui m’a enchanté pendant tant d’années.

« Irremplaçable Alain Rey ! C’est une bibliothèque qui vient de disparaître : la langue française pleure son plus grand connaisseur mais aussi peut-être son amoureux le plus sincère et le plus enthousiaste.

Irremplaçable Alain Rey ! C’est une bibliothèque qui vient de disparaître : la langue française pleure son plus grand connaisseur mais aussi peut-être son amoureux le plus sincère et le plus enthousiaste.

Né en 1928 dans le Puy-de-Dôme, c’est en répondant à une petite annonce qu’il va à jamais associer son nom à l’aventure des dictionnaires Robert. C’est en 1952, à 24 ans, qu’il se lance en avec sa gourmandise habituelle dans la définition mais aussi dans l’histoire de nos mots, histoire qui va devenir sa grande passion.

Alain Rey en 2017, AFP, DR.

« Amateur de dico  »

Qui d’autre pouvait rédiger un Dictionnaire amoureux des dictionnaires ? Il vient ici au secours d’une drôle de manie…
« Il faudrait un La Bruyère pour évoquer cette passion obsessionnelle qui conduit les personnes apparemment saines d’esprit à se rechercher fébrilement des dictionnaires introuvables, à acheter les titres nouveaux traitant de sujets sans intérêt pour eux, à réunir la totalité des millésimes du Petit Larousse, ou bien tous les dictionnaires de langues amérindiennes, les bilingues chinois-télougou ou basco-finnois (s’il en existe). […] Tout leur convient, du moment qu’il y a là des mots en ordre alphabétique. […]
Le vrai amateur de dicos n’est pas seulement un chineur, c’est un transfigurateur. Ce qu’il peut trouver dans son butin, c’est une mémoire vacillante et partielle, le miroir déformant, terni ou brisé d’une époque, une liasse de préjugés, d’erreurs, de mensonges tendus vers un impossible savoir. Surtout, la force des mots »
 (Dictionnaire amoureux des dictionnaires, 2011).

Linguiste, lexicologue, lexicographe… les mots pour une fois semblent manquer pour définir la spécialité de cette véritable encyclopédie vivante pour qui la langue était semblable à un arbre : comme lui, elle croît et évolue sans cesse. Refusant toute vision sclérosée du français, il n’a pas hésité à faire une place conséquente dans ses dictionnaires aux « usages spontanés » que sont les mots étrangers, populaires ou argotiques.

Tout au long d’une belle et longue carrière de près de 70 ans, il n’a suivi qu’un seul objectif : convaincre que notre langue non seulement « défie les siècles » mais surtout qu’elle n’est pas figée, qu’elle se construit jour après jour avec la contribution de chacun d’entre nous.

Pour mener ce combat, ce grand vulgarisateur n’a jamais craint de s’appuyer sur tous les supports lui permettant de toucher le plus grand nombre : multiples publications, bien sûr, mais aussi presse (pour Le Magazine littéraire), télévision et radio où il conclut pendant près de 13 ans la matinale de France Inter par Le Mot de la fin. Il n’avait en effet pas son pareil pour « raconter » la formidable histoire des mots de façon à la fois savante, claire et accessible.

Cet enchanteur, digne héritier des humanistes et des Encyclopédistes dans sa volonté de tout connaître et de tout faire connaître, laisse une œuvre pantagruélique qui aurait plu à Rabelais, son maître es-mots.

« Faire mouche »

Alain Rey n’aimait rien tant qu’expliquer l’origine, souvent farfelue ou inattendue, de nos expressions populaires.
« La mouche est un insecte omniprésent. […] Les pattes de mouche sont difficiles à déchiffrer tandis que l’insecte insaisissable motive la fine mouche, vive et rusée.
On pourrait croire que cette habileté est à l’origine de faire mouche, alors qu’il s’agit d’une allusion à la petitesse et à la couleur de ce diptère. On a appelé mouche le petit morceau de taffetas noir porté autrefois par les femmes pour faire ressortir la blancheur de leur peau ou encore, chez les hommes, la petite touffe de poils au-dessous de la lèvre inférieure. Le centre d’une cible, matérialisé par un point noir, fut donc une mouche. L’excellent tireur qui place une balle ou une flèche dans ce point fait mouche. Il atteint sa cible, met dans le mille s’agissant pourtant d’un point singulier, le centre de la cible.
Un mot qui fait mouche atteint son but en touchant un point sensible. Mot et mouche pourraient même, selon des étymologistes, avoir la même origine : l’onomatopée mu, qui évoque un bourdonnement ou un murmure. Mais si les mots sont comme les mouches, on n’est jamais parvenu à les faire disparaître avec une tapette ou du papier gluant. Pas plus qu’on n’attrape les mouches avec du vinaigre, on ne fait mouche sans viser »
 (200 drôles d’expressions que l’on utilise tous les jours sans vraiment les connaître, 2015). »

Extrait de Herodote.net 28/10/2020 Isabelle Grégor

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