« J’écris ton nom », de Paul Eluard) revisité par un litthérapeute
J’aime bien
Sur mes cahiers d’étudiants,
Sur mes notes et mes fiches,
Crayon, bristol® et stabilo®,
Je prescris en ton nom.
Sur toutes les diapos lues,
Sur tous les collèges relus,
En rayant les noms commerciaux,
Je prescris en ton nom.
Sur les lignes d’ordonnance,
Sur les mots d’évolution,
Sur chaque compte-rendu,
Je prescris en ton nom.
Sur les croissants des labos,
On perçoit l’attrape nigaud,
Qui panse la faim pour le gain,
Je prescris en ton nom.
Sur le refus affirmé,
De quelques cadeaux anodins,
Congrès, repas, règle ECG…
Je prescris en ton nom.
Sur le mot de transparence,
Sur le décret du 25 Mars 2007,
Sur ma déclaration préalable,
Je prescris en ton nom.
Sur transparence.gouv,
Sur mes stylos neutres,
Sur les conseils à mes patients,
Je prescris en ton nom.
Mais sur le programme de mes cours,
Sur mes outils de formation,
Sur mes voyages imposés,
J’aimerais prescrire en ton nom.
Sur mes travaux universitaires,
Sur mes postes mal financés,
Sur mon système de santé,
J’aimerais prescrire en ton nom.
Sur les âmes qui banalisent,
Sur celles qui encouragent,
Sur celles qui se croient meilleures,
J’aimerais prescrire en ton nom.
Sur l’autel de la transparence,
Sur le respect de la loi,
Sur le primum non nocere,
J’aimerais prescrire en ton nom.
Sur mon engagement à soigner,
Sur le service dû à mes patients,
Sur la notion de santé publique,
J’aimerais prescrire en ton nom.
Alors, sur mes ordonnances,
Sur mes refus polis aux visiteurs médicaux,
Sur le choix de la complexité pour me former,
Je prescris en ton nom.
Sur des batailles politiques,
Sur des systèmes à réinventer,
Sur l’idéal de l’éthique,
Je prescris en ton nom.
Sur le renoncement à l’argent,
Sur le refus de la toute-puissance,
Sur le chemin ardu du doute,
Je prescris en ton nom.
Et par le pouvoir d’un mot,
Je prescris parfois, soulage souvent et j’écoute toujours,
Je suis soignant pour t’apprendre et t’entretenir,
Pour te nommer,
Indépendance.