Extrait de « Confusion » que vient d’écrire Marie Tanguy, ancienne plume de M. Macron
Pour qui rêve de connaître les dessous des grandes décisions voici l’exposé de la validation d’une réforme de la formation professionnelle : « Il faudrait imaginer une fin de conversation fatiguée dans un bureau sale, et deux hommes qui finissent par tomber d’accord sur les modalités techniques. (Ça te va ?, Ça me va, Alors on fait comme ça.). L’un d’eux se charge de rédiger la note pendant que l’autre va pisser. […] On l’envoie au secrétariat particulier, qui l’imprime et la glisse dans le dossier du chef. Le chef la lira sur le bord de son lit, vers 1 heure du matin, en dénouant sa cravate. La note est bien écrite. Ça vole. Feu. Nous avons une réforme de la formation professionnelle. Voilà comment s’écrit l’Histoire. » On vit avec elle dans cette ambiance où tout est toujours « TTU » – « très très urgent » –, animée par des « mecs », mangeurs de chirashis, qui ne communiquent que sur Telegram, se droguent aux sondages (« Quel est le rolling du jour, Denis ? ») et truffent les discours du candidat de citations de René Char. Des menaces de démission, ils en ont plein la bouche, mais toujours dans le dos du chef. Par ailleurs, il faut les entendre parler de leur cœur de cible, « les classes moyennes », non pas comme le ferait un bon sociologue, mais comme le feraient des as du marketing. Cette catégorie de la population incarnait pour ces Marcheurs « le Graal, la clé, le pompon de cette élection ».
Chaque jour, Quentin, à ma droite, et David, dans mon dos, rendaient des avis susceptibles de bouleverser des vies, et de changer la face d’un pays », écrit la jeune femme, qui ajoute : « Chaque jour, ils maillaient le territoire de maisons de services publics, d’établissements de santé ou de tribunaux, modifiant la répartition géographique ou sectorielle des effectifs, jouant sur les taux et les bases pour faire bouger les grands équilibres. » De derrière son écran Apple, l’autrice voit de la « violence » dans cette manière de faire. « On va buter les régimes spéciaux », jure David. Le mépris de classe – en l’occurrence, d’étages – se vérifiait également au sein du QG. Pour avoir donné un coup de main aux « helpers », la conseillère Idées a été rabrouée. Elle écrit : « Ceux du sixième étage n’avaient rien à faire avec les bénévoles… » On découvre, effaré, la langue de ces « gens-là ». C’est technique, prétentieux, abstrait, sec, froid. Rien de charnel, rien de vécu, rien de spontané. Un bureau des Idées dans lequel défilent des surdiplômés et si peu d’élus…