Savants fous?

Ci-dessous un article du journal Le Monde daté de 2014
Cet article fait suite à l’article paru le 5 mai 2013 dans le journal Le Parisien signé par  Jean Claude Manuguerra qui tourne actuellement sur les réseaux sociaux .

Tout ça n’est pas très rassurant et conforte la thèse d’une origine humaine acccidentelle du virus actuel

Virus mutants : les furets de la discorde

« C’est vraiment une folie ! » Il est rare que des scientifiques éminents qualifient aussi brutalement le travail de collègues reconnus. Pourtant Roberto Kolter, qui tient ces propos à micro ouvert, n’a rien d’un alarmiste anti-science : à 60 ans, il est directeur d’un laboratoire réputé d’Harvard et présidait il y a peu la société américaine de microbiologie.
L’objet de son inquiétude ? Une série d’expériences visant à rendre contagieux des virus grippaux mortels, recourant à la fois aux techniques du génie génétique et à la sélection classique, qui se poursuivent depuis plus de deux ans en dépit de multiples protestations.
Et Kolter n’est pas seul : ils sont 56 scientifiques d’envergure, dont trois Prix Nobel, à avoir signé fin décembre 2013 une lettre publique adressée à la Commission européenne réclamant « une véritable analyse de risque » pour ces expériences. Qui exposent l’humanité, avertit l’épidémiologiste d’Harvard Marc Lipsitch, lui aussi signataire du texte, à la possibilité d’une « pandémie véritablement catastrophique (…) capable de faire des centaines de millions de morts.
Ces expériences de la discorde, dont le début remonte à 2011, ont d’emblée agité la communauté scientifique – au point que leurs auteurs ont dû décréter un moratoire sur leurs travaux en janvier 2012. Avant de le lever, unilatéralement, en janvier 2013, en dépit de l’absence de consensus. Depuis, elles se poursuivent comme si de rien n’était.
En quoi consistent-elles ? Elles portent sur deux virus grippaux, le H5N1 et plus récemment le H7N9, qui connaît actuellement une expansion inquiétante en Asie. Attention, « grippe » ne doit pas être lu comme signifiant « sans gravité ». H5N1 et H7N9 sont des virus extraordinairement meurtriers.
Les malades, après une brutale poussée de fièvre, développent généralement une pneumonie, puis une grave détresse respiratoire à l’issue souvent fatale. Entre le tiers et la moitié des quelque 1 000 humains qui ont eu le malheur de contracter ces grippes en sont morts, généralement en une dizaine de jours. Pour le H7N9, le dernier bilan fait état de 72 décès en Chine entre janvier et février.
Ces germes circulent naturellement et massivement chez les oiseaux, particulièrement les canards et autres volailles. Mais il faut d’énormes concentrations de virus (en pratique, des contacts étroits avec des volailles vivantes) pour qu’ils parviennent à infecter les humains. Les récepteurs cellulaires qui servent d’ancrage à H5N1 comme à H7N9 sont, en effet, légèrement différents chez les mammifères et les volatiles. En revanche, ce que ces grippes ne parviennent pas – pas encore ? – à faire, c’est à passer d’un homme à un autre. Ce qui est une grande chance pour Homo sapiens, et le coeur de cette affaire.
Car quelques mutations peuvent suffire pour que les virus grippaux deviennent transmissibles entre humains. Et ils le sont alors « magnifiquement », selon le terme du virologue new-yorkais passionné Vincent Racaniello, professeur à Columbia. Ils se mettent à circuler par « aérosolisation », voyageant dans les gouttelettes émises par la toux et les éternuements, passant d’un individu à l’autre sans le moindre contact physique. Cinq minutes dans un bus suffisent pour être infecté si l’un des autres passagers est porteur.
Les 50 millions de morts de la plus grande grippe de l’histoire, la grippe espagnole de 1918, sont là pour rappeler les effets de ce virus à la fois meurtrier et transmissible – qui, sur notre planète surpeuplée, urbanisée et mondialisée, serait sans doute plus dévastateur encore.
Or, pour ce que l’on en sait, un tel monstre biologique pourrait bien, d’ores et déjà, sommeiller dans un congélateur de l’université Erasmus d’Amsterdam ou de l’université du Wisconsin aux Etats-Unis, pour citer les deux institutions en pointe dans ces travaux.
Deux équipes devenues célèbres, dirigées respectivement par le Néerlandais Ron Fouchier et le Japonais Yoshihiro Kawaoka, y ont en effet rendu transmissibles les virus en question ; non pas chez des hommes, car les règles d’éthique en vigueur l’interdisent, évidemment ; mais chez… des furets. « Le furet est le mammifère de laboratoire dont le système respiratoire imite le mieux celui de l’homme, explique Vincent Racaniello. Il présente tous les symptômes humains, il tousse et éternue, ce que les souris ou même les singes ne font pas. »
Comment ont procédé les chercheurs ? Leurs manipulations, décrites en 2012 dans Nature et Science, les plus grandes revues scientifiques, ont consisté à introduire dans les virus, par génie génétique, quelques mutations, choisies « au doigt mouillé », dans le but de favoriser la transmission. Puis à déposer directement une solution concentrée de ces virus mutés dans les fosses nasales d’un furet.
Ensuite, les protocoles varient légèrement : Fouchier, pour essayer d’« apprendre » au virus à infecter un mammifère, a ainsi contaminé l’un à partir de l’autre dix animaux successifs (une pratique du reste connue pour augmenter la virulence de certains virus).
Kawaoka, quant à lui, s’est contenté des mutations qu’il avait introduites, sans chercher à en susciter de nouvelles. Mais, au final, dans les deux cas, ces « furets de l’apocalypse », comme ils furent surnommés, placés dans une cage à distance d’un congénère, sont parvenus à l’infecter. Sans aucun contact physique – expérience concluante, donc.
Les nouveaux virus, prestement mis en boîte et analysés par les chercheurs, sont formellement toujours des H5N1 et H7N9 – mais des H5N1 et H7N9 mutants, désormais transmissibles. Du moins chez le furet. Qui, certes, n’est pas l’homme, mais qui est l’animal que les scientifiques ont choisi pour s’en rapprocher le plus.
Le risque associé à ces « Frankenvirus », comme disent les Américains, est d’autant plus grand que ces recherches se mènent dans des laboratoires de niveau dit « BSL 3 + » (pour bio safety level), et non de niveau « BSL 4 », le plus élevé, celui où l’on manipule les virus tueurs les plus redoutés, par exemple le virus Ebola. Or il s’avère que le palmarès des laboratoires BSL 3 en matière de biosécurité n’est pas des plus brillants.
Un rapport datant de janvier a révélé qu’aux Etats-Unis, entre 2004 et 2010, quatre infections accidentelles par des virus dangereux ont eu lieu dans des laboratoires BSL 3. La probabilité d’accident annuel qui s’en déduit, par laboratoire et par an, est de 0,2 %. Autrement dit, si dix laboratoires travaillent dix ans sur ces virus, le risque d’infection atteint 20 % !
Il y a, par ailleurs, déjà eu des infections de laboratoire aux virus du SRAS, Ebola et de Marburg dans différentes villes du monde, et même une poignée d’« évasions », c’est-à-dire des contaminations en série hors laboratoire. En somme, la probabilité d’accident est loin d’être négligeable, alors que les conséquences en seraient vertigineuses. « Hélas, les gros risques à faible probabilité sont une des choses les plus difficiles à gérer pour l’esprit humain », soupire l’épidémiologiste Marc Lipsitch.
Mais peut-être s’agit-il d’expériences isolées, oeuvre d’une poignée d’incontrôlables ? Nullement. Ces travaux ont été validés, financés et, en dépit des critiques, ils se poursuivent toujours. En août 2013, dans les colonnes de la revue Nature, 22 chercheurs ont d’ailleurs dit leur intention de les étendre et de les diversifier. Et Yoshihiro Kawaoka vient d’annoncer la reconduction de ses financements. Une situation symptomatique de l’évolution de la biologie ces dernières décennies.
Quelles sont au fond les motivations de ces scientifiques qui créent des monstres biologiques que même la nature n’a jamais engendrés ? Dans un premier temps, les intéressés ont énergiquement plaidé que leurs expériences seraient utiles pour produire de nouveaux vaccins, des traitements, ou encore pour mettre en place des alertes précoces. Mais ils ont été, dans une large mesure, forcés de battre en retraite depuis, face aux critiques développées par les spécialistes de ces questions. Il apparaît que, en pratique, notre compréhension fondamentale des mécanismes moléculaires accompagnant l’infection a progressé, mais qu’aucune perspective de traitement n’en est pour autant sortie.
Yoshihiro Kawaoka soutient désormais que « la nature crée continuellement ce genre de choses », et qu’il est, par conséquent, « indispensable de les étudier, dans les meilleures conditions de sécurité, bien sûr ». Quant à Ron Fouchier – qui ne donne plus d’entretiens et répond aux questions par courriel –, il concède que, « en premier lieu, ce travail vise à accroître notre compréhension fondamentale ». Et, tout en espérant des retombées thérapeutiques, il insiste sur le fait que, « pour beaucoup de percées scientifiques, il a fallu d’abord faire des progrès fondamentaux » – plaidant pour une science « mue par la curiosité ».
Un argument qui a le don d’exaspérer Simon Wain-Hobson, virologue à l’Institut Pasteur et l’un des meneurs de la fronde contre ces travaux. « A partir du moment où un protocole génère un énorme risque, il faut pour le légitimer des avantages exceptionnels – or on ne voit aucun avantage. »
Cette satisfaction de la « curiosité » arrive sans doute en bonne place dans les motivations de Fouchier et Kawaoka ; et il ne fait aucun doute qu’ils seraient heureux d’avoir contribué à un traitement. Mais Marc Lipsitch pointe également leur « ambition professionnelle ». Il critique le rôle de Science et de Nature, grandes revues internationales que leur aura scientifique n’empêche pas, à ses yeux, de verser dans un quasi-sensationnalisme. « Au moins l’un des articles de Fouchier était de si piètre qualité que Nature ne l’aurait jamais publié s’il avait porté sur un sujet moins “sexy”. »
Or, aujourd’hui en biologie, la publication dans ces revues est devenue un passage obligé pour réussir une carrière. Et aussi un atout précieux pour obtenir des financements. « Nous avons formé tellement de chercheurs, soupire Roberto Kolter, qu’il n’y a plus assez d’argent pour tout le monde. » Course échevelée à la publication, aux crédits et à la médiatisation – autant d’ingrédients de base, sans doute, du brouet délétère dont sont sortis les « Frankenvirus »…
Quant à la communauté scientifique, elle est profondément divisée sur cette affaire. D’un côté, la lettre à la Commission européenne protestant contre la poursuite de ces expériences témoigne d’une opposition radicale. « On a là des membres de l’élite de la recherche qui réclament l’intervention des politiques – et ce pour, en quelque sorte, protéger leur communauté d’elle-même. Cela s’observe rarement ! », commente le spécialiste de biosécurité Malcolm Dando, professeur à l’université de Bradford, lui-même signataire de la lettre. Fait notable, ce sont souvent des chercheurs dont la brillante carrière est pour l’essentiel derrière eux qui mènent ici la fronde.
Mais face à ces derniers, Fouchier et Kawaoka ne manquent pas de soutiens. La tension entre disciplines est perceptible : si les médecins, épidémiologistes et autres spécialistes de santé publique tiennent plus souvent pour la prudence, les virologues et autres biologistes moléculaires se montrent plus téméraires.
En particulier les spécialistes des virus grippaux, dont la solidarité avec Fouchier et Kawaoka ne s’est jamais démentie. Il faut dire que, dans leur ensemble, les chercheurs ont le sentiment d’étouffer sous une bureaucratie sans cesse croissante, et se plaignent en outre d’avoir à rendre toujours plus de comptes à des administrateurs scientifiquement illettrés. Du coup, toute demande de réglementation tourne au casus belli.
Vincent Racaniello, par exemple, défend bec et ongles le travail sur ces virus et estime qu’« il y a déjà trop de réglementations. La société est devenue très craintive ; désormais, s’il y a des travaux dangereux, ils ne sont pas financés, et les gens veulent des vaccins contre la grippe, des médicaments, des traitements… tout cela sans prendre de risques ! »
Même son de cloche du côté de Peter Palese, l’un des principaux virologues grippaux du monde, membre de l’Académie des sciences américaine et chercheur au Mount Sinai Hospital de New York, qui déplore une « hystérie antiscience et antirecherche ». Il considère que les dangers suscités par les expériences sur les virus sont extrêmement faibles, d’une part à cause de l’exceptionnelle sécurité des laboratoires et, d’autre part, parce que leurs souches de virus présentent en réalité peu de risques pandémiques. « Cela fait plus d’une décennie que ces virus circulent, et ils ne se sont jamais adaptés à l’homme – cela veut très probablement dire qu’ils ne sont pas aptes à infecter notre espèce », estime-t-il.
Peter Palese juge, en outre, que les virus en question sont moins virulents qu’on ne le croit, car beaucoup de cas bénins échapperaient aux statistiques. Ce que ses adversaires concèdent, tout en maintenant que l’imprédictibilité et la dangerosité des virus grippaux ne sauraient être niées.
Plus généralement, les divisions sont profondes dans la communauté sur la question de savoir où faire passer une éventuelle ligne jaune. Comme le note Malcolm Dando, « il est même difficile d’imaginer une expérience que tous les scientifiques seraient d’accord pour interdire ». Certains craignent qu’un débat large ne soit une boîte de Pandore, menaçant à terme toute recherche sur les virus dangereux. « On va finir par tuer la virologie dans nos pays, au risque qu’elle se poursuive en Chine », assène Peter Palese.
Du coup, la plupart des sociétés savantes sont restées silencieuses. Quant aux autorités américaines, qui fournissent l’essentiel des fonds permettant ces travaux via le National Institute of Health, elles ont rendu publiques, en mars 2013, une série de directives embarrassées « qui sont en fait des tergiversations se résumant à dire “Surtout, soyez prudents !” », estime Roberto Kolter.
Par-delà sa gravité propre, l’affaire témoigne d’une vraie crise des sciences du vivant. Celles-ci peinent manifestement à gérer les dérives nées de l’accroissement vertigineux de leurs possibilités techniques, d’un manque chronique de réflexion éthique, et d’une concurrence sans précédent. La physique, souvent décrite comme la discipline reine du XXe siècle, a généré une prodigieuse moisson d’innovations, « mais aussi la bombe atomique », rappelle Simon Wain-Hobson. Avant d’avertir que la biologie, présentée par tous comme la discipline de notre siècle, « pourrait, si l’on n’y prend garde, elle aussi créer sa bombe ». Peut-être même, sur une étagère de laboratoire, attend-elle déjà son heure.
Yves Sciama

Lehmann et Raoult

Christian Lehmann est écrivain et médecin dans les Yvelines.
Pour «Libération», il tient la chronique quotidienne d’une société sous cloche à l’heure du coronavirus

Voici ce qu’il écrit à propos de Didier Raoult, dans Libération donc:

«Nous ne sommes pas dans un blockbuster hollywoodien»
J’aurais tellement aimé qu’un génie brillant à la Jeff Goldblum dans Jurassic Park découvre sur un coin de paillasse LE médicament miracle contre le coronavirus. J’aurais applaudi si, allant vite, très vite, trop pour le commun des mortels, ce héros magnifique avait grillé les étapes avec brio, s’il avait sauvé des millions de vies, démontrant ainsi la justesse de son hypothèse devant un monde médusé. Mais nous ne sommes pas dans un blockbuster hollywoodien. Nous sommes dans un pénible remake des grands classiques de Pagnol, avec un César beaucoup moins admirable que ne le fut Raimu.
Lorsque Didier Raoult lance sa première étude sur la chloroquine, il se base sur trois points : un fait vérifiable, une affirmation, et une intuition.
Le fait vérifiable est qu’in vitro, c’est-à-dire dans une éprouvette, et non dans le corps humain, la chloroquine est active contre le Sars-cov-2, le virus du Covid-19. Que cette action in vitro existe sur nombre d’autres virus, sans jamais avoir donné de bons résultats chez l’humain, voire en augmentant la mortalité dans le cas du chikungunya, devrait pourtant inciter à une certaine prudence.
L’affirmation, elle, balaie toute retenue : une étude chinoise vient de sortir. Elle démontre que la chloroquine donne «une amélioration spectaculaire et c’est recommandé pour tous les cas cliniquement positifs d’infection à coronavirus chinois». Mais aujourd’hui, près de deux mois après ce scoop, le monde attend encore la moindre corroboration de ce qui s’apparente de plus en plus à un bluff médiatique.
Enfin, l’intuition. C’est ce que Didier Raoult défend encore aujourd’hui mordicus, dans des vidéos de plus en plus étranges. L’idée qu’un chercheur hors du sérail, qui a longtemps bourlingué, un homme de terrain, peut immédiatement percevoir l’essentiel quand une horde de suiveurs engoncés dans leurs protocoles mettra des mois à se mettre en branle.

Didier Raoult lance donc des études, suscitant par son attitude d’absolue certitude, son aisance médiatique, un immense espoir, si grand que personne, dans les médias ou au sein du personnel politique ne songe à le questionner. Qui imaginerait qu’une figure respectée, au CV impressionnant, se lancerait ainsi à l’aveuglette dans un coup de bluff ?
Les études de Didier Raoult vont se succéder, accumulant des erreurs et des approximations, mais aussi, plus grave, des truquages insensés. Ainsi dans la première étude, sur 42 patients, parmi ceux traités par «le protocole Raoult», l’un décède, trois sont hospitalisés pour aggravation. Et par un tour de passe-passe (qu’en français s’apelorio une fraude), ils sont tous les quatre exclus des résultats alors qu’ils auraient dû être considérés comme des échecs de l’hydroxychloroquine.
A l’hydroxychloroquine, Raoult va rajouter en cours de route un antibiotique, l’azithromycine, et conclura que l’association est plus efficace que l’HCQ seule, alors que la différence, sur six patients seulement, n’est pas significative.
Le critère retenu pour juger du succès de l’essai devait être la recherche du virus par voie nasale vers quatorze jours. Or, l’étude sera arrêtée au sixième jour, et la diminution de la charge virale en intranasal sera considérée comme un signe d’efficacité (sans qu’on sache si cette disparition ne signifie pas simplement la migration du virus au niveau pulmonaire).
Une seconde étude va être lancée dans la foulée alors que la première va être publiée dans des conditions douteuses et immédiatement reniée par la Société internationale de chimiothérapie antibactérienne. Et cette étude, dans laquelle Raoult et son équipe choisissent quels patients traiter (intervenant donc sur leur thérapeutique dans une maladie présentant 95% de guérisons spontanées), est déclarée comme une simple étude observationnelle (sans intervention des médecins sur le déroulé des événements). Ceci permet d’éviter de devoir obtenir l’accord obligatoire de l’Agence nationale de sécurité du médicament.
Tout se passe comme si, tétanisés par l’évident cafouillage de la gestion gouvernementale de l’épidémie, personne n’osait émettre une objection. Passant outre la nécessité de demander l’accord du comité d’éthique, l’Institut marseillais se donne lui-même bénédiction et, fin mars, traite 80 patients à l’hydroxychloroquine parce que «c’est ce que nous dicte le serment d’Hippocrate». Didier Raoult va donc prescrire des médicaments potentiellement cardiotoxiques non évalués à des patients asymptomatiques, en violation des règles éthiques de base concernant la prescription.
Il y aurait, il y aura, beaucoup à dire sur l’immobilisme des agences, des institutions, du politique, face à la fuite en avant d’un homme qui entraîne derrière lui des millions de gens apeurés, des dizaines de milliers de complotistes, des centaines de trolls haineux devenus virologues en deux heures sur YouTube en dévorant les vidéos de leur gourou.
Mais ce qui m’intéresse au premier chef, c’est le rationnel de Didier Raoult, cette certitude que le serment d’Hippocrate (qui nulle part ne mentionne le droit de se livrer à l’expérimentation humaine en freestyle), le diplôme de médecin, et l’intuition personnelle, constituent une sorte de joker. Rappelons-le encore une fois : Didier Raoult est microbiologiste, spécialiste des virus, des bactéries. Il n’a aucune expérience en recherche thérapeutique, et les erreurs grossières qu’il commet dans le déroulement de ses études comme dans l’analyse de ses résultats ou ses processus de publication ne sont pas liées comme il veut le faire croire à l’émergence d’un nouveau paradigme, mais à la résurgence rance de ce qu’on espérait voir disparaître, la toute-puissance intouchable et tyrannique de mandarins incapables de se remettre en cause.
Alors que commencent à s’accumuler, dans le monde entier, les résultats des premières études correctement menées sur l’hydroxychloroquine, résultats globalement négatifs voire inquiétants, il ne semble rester comme ligne de défense à Didier Raoult que l’excuse d’avoir agi dans l’urgence. Se comparant un jour à Clemenceau, l’autre jour à Foch, il se fantasme en chef de guerre, seul à même de faire face à l’événement, loin des tergiversations des ternes garants de la méthode scientifique. La plupart des médias semblent n’avoir retenu de sa dernière vidéo en date, intitulée «La leçon des épidémies courtes», que son affirmation que le Covid-19 est une maladie saisonnière, vouée à disparaître, et que «dans un mois il n’y aura plus aucun nouveau cas». Le travail des lanceurs d’alerte sur les réseaux sociaux, simples généralistes, cardiologues, urgentistes et réanimateurs, a semble-t-il porté ses fruits. Cette affirmation du grand devin qui, en janvier, moquait l’inquiétude «quand il y a trois Chinois qui meurent, ça fait une alerte mondiale», ne passe plus. Mais combien réalisent que, si Didier Raoult met en avant sa dernière intuition en date, c’est que seule une «épidémie courte» lui permettrait de justifier a posteriori le fait d’avoir fabriqué n’importe quoi dans l’urgence ? Que le Covid-19 s’installe plus durablement, et il ne pourra échapper à l’autopsie minutieuse de ses prises de parole et de ses actions. Et le résultat sera dévastateur.

BIB les meilleurs!

Masque Michelin : lavable 20 fois
Contrairement au masque grand public qui résiste à cinq cycles de lavage, le masque Michelin est lavable 20 fois.
« Appelé OCOV®, entièrement développé et produit dans la région Auvergne-Rhône-Alpes en un temps record, ce masque de type FM (Face Mask) P1 ou P2 [norme, ndlr] est économique, durable et peut être fabriqué en grande quantité. Il est réutilisable jusqu’à 100 fois, grâce à ses cinq filtres lavables et interchangeables », décrit Michelin.
OCOV® ne fait donc pas partie de la catégorie FFP2 (Face Filter pour P2), mais FM P1 ou P2. Il comprend une pièce faciale souple qui recouvre le nez, la bouche et le menton, ainsi que des filtres remplaçables et réutilisables. Il sera livré avec cinq filtres lavables. Il sera ensuite possible de réutiliser le masque à l’infini en achetant de nouveaux filtres.
À quoi ressemblera le masque OCOV® ?
Selon Ouvry, usine de production du masque, l’objet procurera une protection du visage plus fiable que les FFP1 ou FFP2, notamment car la pièce faciale, souple, épouse la forme du visage, ce qui minimise le taux de fuite.
“Le taux de fuite requis par la norme FM est 5 fois inférieur à la norme FF (<2% pour FM et <8% pour les filtres FF)”, ce qui en fait un masque très filtrant, décrit Ouvry. En outre, le masque “assure une bonne étanchéité entre l’atmosphère ambiante et le visage du porteur (que sa peau soit sèche ou humide et lorsqu’il bouge la tête). Il apporte également un excellent confort dans la durée”, précise l’entreprise fabricante.
Certes, ce masque coutera 28 euros. « Mais comme il est réutilisable, il sera cinq fois plus rentable que les FFP2. Ce prototype s’est déjà prévendu à 350 000 exemplaires ».