Hydrochloroquine

Fan de M. Raoult depuis longtemps,
Besoin de rapporter ces lignes extraites du Point, par honnêteté intellectuelle:

Lundi, une longue file d’attente s’étirait devant l’IHU Méditerranée Infection, pôle d’expertise marseillais sur les maladies infectieuses que dirige le Pr Raoult, dans l’espoir de se faire tester par ses équipes. Plusieurs personnalités du monde médical ont également souligné tout l’intérêt qu’elles portaient à ces recherches, critiquant les réserves du gouvernement. « Les pharmacies sont submergées de demandes pour du Plaquénil, nom sous lequel est commercialisée aujourd’hui l’hydroxychloroquine (dérivé de la chloroquine), molécule porteuse d’espoir. Les médecins de ville en prescrivent, on peut s’en procurer sur Internet hors de tout contrôle », confie un membre de l’Académie de pharmacie.
Pourtant, contactées par Le Point, la plupart des personnalités politiques les plus véhémentes l’ont admis : elles n’ont pas lu l’étude du Pr Raoult. « Je ne suis pas médecin, mais… »

Justement, il y a un gros « mais » : depuis sa publication le 17 mars dans un journal dont l’éditeur est membre de l’équipe de Didier Raoult, l’étude du professeur provoque un réel malaise, tant elle s’éloigne des règles élémentaires des publications scientifiques. L’échantillon comportait 26 patients au départ, mais seuls 20 figurent dans les résultats : 6 patients ont été écartés, dont 3 parce qu’ils sont entrés en réanimation, l’un parce qu’il a ressenti des effets secondaires, et un autre… parce qu’il est mort, au troisième jour de l’essai. « Évidemment, si l’on écarte les morts et les cas qui s’aggravent, cela fausse le résultat », remarque Karine Lacombe, infectiologue et cheffe de service à l’hôpital Saint-Antoine.
Autres écueils : l’état des patients n’est pas renseigné. Certains sont testés positifs le premier jour, puis négatifs le jour suivant, puis à nouveau positifs, laissant planer le doute sur la fiabilité des tests. Certaines données de charge virale sont manquantes… Mais surtout, l’essai a été conduit en phase pré-épidémique, à une époque où l’on hospitalisait l’ensemble des personnes atteintes du coronavirus, sur des cas essentiellement asymptomatiques ou bénins. Après six jours de traitement, la charge virale avait fortement diminué, voire totalement disparu chez six des vingt patients. De quoi crier victoire ?
« Absolument pas », répond le chef du service des maladies infectieuses au CHU de Grenoble Jean-Paul Stahl. « On sait que dans environ 80 % des cas, les malades guérissent naturellement en quelques jours. Rien dans l’étude du Pr Raoult ne permet de savoir si chez ses patients, la charge virale baisse grâce au traitement, ou parce qu’elle aurait baissé de toute façon. » Par ailleurs, « on ne sait pas non plus si le fait d’avoir moins de virus bloque l’évolution de la maladie. Pour les malades les plus graves, il est de plus en plus clair que le prélèvement nasal pratiqué pour cet essai n’est plus approprié. Il faut chercher le virus dans les poumons. »

La piste reste intéressante, la chloroquine ayant montré un effet in vitro sur ce coronavirus, et de nombreux médecins hospitaliers l’utilisent d’ores et déjà dans leur prise en charge du Covid-19, dans l’attente de résultats des essais cliniques. En effet, aucune étude dans la vie réelle n’a encore permis de confirmer son efficacité (les résultats d’essais qui auraient été menés en Chine n’ont pas, à ce jour, été publiés).

Par ailleurs, les effets secondaires bien connus du médicament inquiètent les professionnels de santé : « Imaginez qu’il soit prescrit à des personnes cardiaques, ou diabétiques ? » s’alarme un médecin hospitalier, déjà confronté à des tensions avec certains patients. « Certains nous ont accusés de garder le traitement pour nous ou pour les gens importants, ils deviennent agressifs. »
« Dans un contexte d’anxiété généralisée, les gens cherchent un espoir et c’est compréhensible », appuie le Dr Karine Lacombe. « Mais il est potentiellement dangereux de proposer ce traitement de masse sans en avoir évalué les conséquences éventuelles. D’abord, cela peut entraîner une pénurie impactant les patients qui en ont le plus besoin », car le Plaquénil reste prescrit, pour des lupus notamment, sous étroite surveillance médicale. Ensuite, « la majorité des malades du coronavirus sont des cas bénins, ils n’ont pas besoin de médicaments. Pourquoi leur en donner ? Enfin, l’hydroxychloroquine allonge la durée du passage électrique à l’intérieur du cœur, et peut donc engendrer des arrêts cardiaques. L’azithromycine, qui est proposé en association, a le même effet. On pourrait provoquer plus de morts que sauver de vies si ce traitement est utilisé sans discernement… »

Dans un avis rendu lundi soir, le Haut Conseil de santé publique exclut toute prescription dans la population générale ou pour des formes non sévères « à ce stade, en l’absence de toute donnée probante », et le ministre de la Santé a annoncé être sur le point de prendre un arrêté encadrant précisément son utilisation : le « traitement miracle » ne sera autorisé qu’en milieu hospitalier, sur des cas graves, « sur décision collégiale des médecins et sous stricte surveillance ».
Une décision « sage », pour l’éminent hématologue et ancien président de la Haute Autorité de santé Jean-Luc Harousseau, qui concède n’avoir pas non plus lu l’étude du Pr Raoult, mais qui appelait pourtant, ces derniers jours, à généraliser le traitement « prometteur » à tous les patients hospitalisés.

Cet encadrement vient-il trop tard ? Le directeur général de l’OMS a beau s’alarmer contre les « faux espoirs » que pourraient susciter « des études réduites et non randomisées, réalisées à partir d’observations », une partie de la France ne l’entend plus. « Laissons agir ces médecins spécialistes incontestés ! » insistait lundi soir Ségolène Royal. « La situation actuelle ravive les grandes peurs des pandémies, et on entend beaucoup de choses complotistes », concède le député européen RN Hervé Juvin… Avant de glisser : « La chloroquine n’est pas chère, on connaît très bien ses effets secondaires. Pourtant, Agnès Buzyn l’a classée en janvier comme une substance vénéneuse. Il est difficile de ne pas penser qu’il n’y a pas des intérêts financiers derrière… »
Un air de complotisme largement relayé sur les réseaux sociaux par les extrêmes de tous bords… Ignorant que la molécule figure depuis 1999, déjà, sur la liste des principes actifs dangereux pour l’organisme, sur laquelle l’a rejointe récemment (et logiquement) son dérivé l’hydroxychloroquine, sur décision de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Une agence pointée du doigt, ces dernières années, pour son « laxisme » dans les scandales du Médiator, de la Dépakine, du Levothyrox… Et qui se retrouve maintenant accusée de faire du zèle, en pleine crise sanitaire, dans une soudaine inversion des valeurs.

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