Pour moi, c’est surtout un superbe poète que peu de gens connaissent.
Quelques morceaux choisis:
« La lucidité, ça n’a jamais fait de bien à personne. Ça rend la vie encore plus difficile. »
« Fais ça pour moi ce matin.
Tire le rideau et reviens te coucher.
Laisse tomber le café.
On va faire semblant d’être à l’étranger et amoureux. »
« J’ai examiné la chambre il y a quelques instants
et voilà ce que j’ai vu-
mon fauteuil à sa place, près de la fenêtre,
le livre ouvert retourné sur la table.
Et sur le rebord, la cigarette
en train de se consumer dans le cendrier.
Simulateur ! c’est ce que m’avait dit mon oncle
autrefois. Il avait raison.
J’ai mis de côté du temps, aujourd’hui,
comme tous les jours,
pour ne rien faire du tout. »
« Les yeux de l’enfant s’étaient ouverts puis refermés. Ils se rouvrirent. Les yeux regardèrent droit devant eux une minute, puis pivotèrent lentement, se posèrent sur Howard et Ann, puis se détournèrent.
— Scotty, dit sa mère, s’approchant du lit.
— Hé, Scott, dit son père. Hé, fiston.
Ils se penchèrent sur le lit. Howard prit la main de l’enfant dans les siennes et se mit à la tapoter et à la serrer doucement. Ann se pencha et couvrit de baisers le front de son fils. Elle lui prit le visage entre ses mains.
— Scotty, mon chéri, c’est Maman et Papa. Scotty ?
L’enfant les regarda, mais sans les reconnaître. Puis sa bouche s’ouvrit, ses yeux se fermèrent, et il hurla jusqu’à ce qu’il n’eût plus qu’un souffle d’air dans les poumons. Alors son visage se détendit et s’adoucit. Ses lèvres s’écartèrent comme son dernier soupir remontait dans sa gorge et s’exhalait doucement à travers ses dents serrées.
Les docteurs appelèrent ça une occlusion cachée, disant qu’ils en voyaient un cas sur un million. S’ils avaient diagnostiqué son état et opéré immédiatement, peut-être qu’ils auraient pu le sauver. Mais c’était improbable. »
« Ce matin était bien. un peu de neige tapissait le sol. Le soleil flottait dans un ciel clair et bleu. La mer était bleue et bleu-vert, aussi loin que portait l’œil. À peine une ondulation. Calme. Je me suis habillé pour aller me promener – résolu à ne pas rentrer avant d’avoir recueilli ce que la Nature avait à m’offrir. J’ai dépassé de vieux arbres inclinés. Traversé un champ semé de rochers où la neige s’était entassée. Marché jusqu’à atteindre une falaise. Où j’ai contemplé la mer, et le ciel, et les mouettes tournoyant au-dessus de la plage blanche loin au-dessous. Tout était beau. Tout baignait dans une pure et froide lumière. Mais, comme toujours, mes pensées se sont mises à errer. Je devais me contraindre à voir ce que je voyais et rien d’autre. Je devais me dire c’est cela qui compte, pas autre chose. (Et je l’ai vraiment vue une ou deux minutes !) Un ou deux minutes elle a refoulé les rêveries habituelles sur ce qui est bien, et ce qui est mal – le devoir, les bons souvenirs, les idées de mort, la façon de me conduire avec mon ex-femme. Toutes ces choses dont j’espérais qu’elles disparaîtraient ce matin. Ce avec quoi je vis chaque jour. Ce que j’ai foulé aux pieds afin de rester en vie. Mais une ou deux minutes j’ai bel et bien oublié moi-même et tout le reste. Je le sais. Car quand j’ai fait demi-tour je ne savais plus où j’étais. Jusqu’à ce que des oiseaux s’échappent des arbres noueux. Et s’envolent dans la direction que je devais prendre. «