Cet écrivain (désolé mais il m’est impossible d’utiliser « écrivaine », sans doute à cause du vaine… 🙂 ) me touche profondément, le fait que nous ayons eu des parcours familiaux et professionnels assez semblables explique sans doute que nous partagions émotions et sentiments vécus identiques, en particulier face à nos pères et à leur souvenir. Ce dernier point m’incite à extraire de « La Place » ces lignes qui me bouleversent.
« C’était un dimanche, au début de l’après-midi.
Ma mère est apparue dans le haut de l’escalier. Elle se tamponnait les yeux avec la serviette de table qu’elle avait dû emporter avec elle en montant dans la chambre après le déjeuner. Elle a dit d’une voix neutre: « C’est fini. » Je ne me souviens pas des minutes qui ont suivi. Je revois seulement les yeux de mon père fixant quelque chose derrière moi, loin, et ses lèvres retroussées au-dessus des gencives. Je crois avoir demandé à ma mère de lui fermer les yeux. Autour du lit, il y avait aussi la sœur de ma mère et son mari. Ils se sont proposés pour aider à la toilette, au rasage, parce qu’il fallait se dépêcher avant que le corps ne se raidisse. Ma mère a pensé qu’on pourrait le revêtir du costume qu’il avait étrenné pour mon mariage trois ans avant. Toute cette scène se déroulait très simplement, sans cris, ni sanglots, ma mère avait seulement les yeux rouges et un rictus continuel. » …….
« Il me conduisait de la maison à l’école sur son vélo. Passeur entre deux rives, sous la pluie et le soleil. Peut-être sa plus grande fierté, ou même la justification de son existence : que j’appartienne au monde qui l’avait dédaigné. « ……..
« Je voudrais dire, écrire au sujet de mon père, sa vie, et cette distance venue à l’adolescence entre lui et moi. Une distance de classe, mais particulière, qui n’a pas de nom. Comme de l’amour séparé. «
La PUISSANCE et la BEAUTE des mots sont EXTRAORDINAIRES pour ceux qui savent les décoder
oui