C’est dans Faust
« Rends-moi donc, rends-moi les temps où je n’étais encore moi-même qu’en espérance lorsqu’une source intarissable de chants mélodieux coulait de ma veine, lorsqu’un voile de nuages dérobait le monde à mes regards, que les bourgeons promettaient des fruits merveilleux, et que je cueillais d’une main avide les millions de fleurs qui tapissaient les vallées. Je n’avais rien, et ce rien me suffisait c’était l’amour de la vérité et la volupté des songes. Rends-moi les désirs indomptés qui fatiguaient mon cœur, rends-moi ce cœur profondément ébranlé, et la force de haïr, et la .puissance d’aimer! Rends-moi ma jeunesse! »
« Non, ne me parle pas de cette foule aveugle à sa vue, l’inspiration nous abandonne. Cache moi cette multitude, dont les flots nous entraînent malgré nous dans le tourbillon du monde. C’est au-dessus des nuages qu’il faut me conduire, dans ces régions tranquilles où règne, pour le poète, une volupté pure, où l’amour et l’amitié, consolateurs de nos peines, nous tendent une main céleste, une main créatrice. Hélas! ce qui jaillit du fond de notre âme, ce que bégaient nos lèvres tremblantes, tantôt avorté, tantôt couronné d’un succès éphémère, disparaît englouti dans le gouffre du temps. Mais souvent il arrive aussi qu’après avoir traversé sans gloire un siècle ou deux, notre génie secoue les linceuls de l’oubli, et soulève une tête colossale. Ce qui brille ne dure qu’un temps; jamais le vrai beau n’est perdu pour la postérité. «