Pensées pour ce cousin disparu que j’ai peu connu et qui m’est parfois si proche
Vessies et lanternes
Mon métier consiste à se méfier des mots. En dépit des apparences, il s’agit là d’un travail de force qui mérite d’être récompensé. L’État m’autorise un litre de vin par jour, ce qui me semble peu, vu l’ampleur de ma tâche, et ma difficulté d’être..
Marie-Jeanne s’inquiète de mon silence qui, pense-t-elle, veut en dire long. Elle attend de moi des phrases que je ne saurais prononcer. C’est qu’elle m’a pris pour mes poèmes. Ils devaient être trop vagues. Maintenant, nous sommes dans de beaux draps. Chacune de nos discussions prend le tour d’une séance du dictionnaire de l’Académie. Les regards complices ne sont pas tout ; il faut que nous nous précisions.
Elle dit, comme moi, préférer un langage de qualité, passé à toutes sortes de cribles, au vague accord qui naît du langage « auberge espagnole » où tout le monde trouve son compte sans retrouver l’autre. Elle le dit, mais je ne suis pas sûr qu’elle le pense vraiment. Ou, plutôt, je crains qu’elle ne pense comme moi. Je voudrais qu’elle pense comme elle. Je lis partout que les révolutions exportées ne réussissent pas. Je me prends pour une révolution : elle était vierge, et elle a cru en moi, sous forme d’alexandrins. Moi, j’avais la ferveur de croire en nous. Nous sommes dans de beaux draps.
Je n’ai pas bien compris de qui le texte est. Un litre de vin par jour ne suffit pas? Ca m’a fait penser à Debord qui buvait pour avoir les idées claires.
Alors Marie…..
l’extrait est de Alain Chany Vessies et lanternes
philosophe à la mode Peillon ou Belamy( 🙂 ), cf prof de philo à Paris, Alain a commis 2 romans qui lui ont valu quelques succès (passage chez Pivot et autres)
dominé par son mal être, ses idées anarchistes et sa lucidité, il a tout plaqué pour vivre en ermite en élevant des chèvres, dans une bergerie de haute-loire, loin de tout (sauf du vin peut-être) avec son épouse artiste peintre
son couple n’a pas résisté, sa vie non plus, et il a choisi de partir très jeune
pendant cette période loin de tout, il a envoyé de temps en temps à son éditeur des lignes écrites sur un cahier d’écolier qui ont fait la matière de son 3° et dernier livre vessies et lanternes qui me parlent beaucoup et que je cite ici.
jespère qu’il a trouvé le repos
Merci beaucoup pour l’explication. Ses idées anarchistes … M’ont fait penser à Debord, d’autant plus que comme lui Debord a voulu partir jeune, et n’avait pas renoncé à l’alcool malgré la polynévrite qui le faisait souffrir.