Mois : juin 2019
L’assassinat de Padre Pio
Padre Pio
https://youtu.be/J7JnkjmKBLk
Chants de Noël du XV°
Antoine de Saint-Exupéry
Saint-Exupéry écrivait ça dans les années 40
A méditer….Sans doute plus que les mots du « Petit Prince »
« En Octobre 1940, de retour d’Afrique du Nord ou le groupe 2/33 avait émigré, ma voiture étant remisée exangue dans quelque garage poussiéreux, j’ai découvert la carriole et le cheval. Par elle, l’herbe des chemins, les moutons et les oliviers. Ces oliviers avaient un autre rôle que de battre la mesure derrière les vitres à 130 kilomètres à l’heure. Ils se montraient dans leur rythme vrai qui est de, lentement, faire des olives. Les moutons n’avaient pas pour fin exclusive de faire tomber la moyenne. Ils redevenaient vivants. Ils faisaient de vraies crottes et fabriquaient de la vraie laine. Et l’herbe aussi avait un sens puisqu’ils la broutaient. Et je me suis senti revivre dans ce seul coin du monde où la poussière soit parfumée (je suis injuste, elle l’est en Grèce aussi comme en Provence).
Et il m’a semblé que, durant toute ma vie, j’avais été un imbécile… »
« Je hais mon époque de toutes mes forces. L’homme y meurt de soif.
Ah!… général, il n’y a qu’un problème, un seul de part le monde: rendre aux hommes une signification spirituelle. Faire pleuvoir sur eux quelque chose qui ressemble à un chant grégorien.
Si j’avais la foi, il est bien certain que, passé cette époque de « job nécessaire et ingrat », je ne supporterais plus que Solesmes. On ne peut plus vivre de frigidaires, de politique, de bilans et de mots croisés, voyez-vous, on ne peut plus.
On ne peut plus vivre sans poésie, couleur ni amour. Rien qu’à entendre un chant villageois du XVème siècle, on mesure la pente descendue. Il ne reste rien que la voix du robot de la propagande (Pardonnez-moi!). Deux milliards d’hommes n’entendent plus que le robot, ne comprennent plus que le robot, se font robots. Tous les craquements des trente dernières années n’ont que deux sources: les impasses du système économique du XIXème siècle, le désespoir spirituel…
Les hommes ont fait l’essai des valeurs cartésiennes; Hors des sciences de la nature, ça ne leur a guère réussi ! Il n’y a qu’un problème, un seul: redécouvrir qu’il est une vie de l’esprit, plus haute encore que la vie de l’intelligence, la seule qui satisfasse l’homme… Et la vie de l’esprit commence là où un être « un » est conçu au dessus des matériaux qui la composent. L’amour de la maison, – cet amour inconnaissable aux Etats-Unis – est déjà la vie de l’esprit.
Et la fête villageoise, et le culte des morts (je cite ça, car il s’est tué, depuis mon arrivée ici, deux ou trois parachutistes; mais on les a escamotés, ils avaient fini de servir). Cela, c’est de l’époque, non de l’Amérique: l’homme n’a plus de sens.
Il faut absolument parler aux hommes. A quoi servira de gagner la guerre si nous en avons pour 100 ans d’épilepsie révolutionnaire ? Ah!… quel étrange soir, ce soir, quel étrange climat ! Je vois de ma chambre s’allumer les fenêtres de ces bâtisses sans visage. J’entends les postes de radio divers débiter leur musique de mirliton à cette foule »
Demeure
J’aime ce livre et partage les idées qui sont défendues.
Quelle surprise et quel ravissement de lire les extraits de la lettre de Saint Exupéry dans l’introduction…..
Derrière l accélération partout constatée de nos vies individuelles et de notre existence sociale, il est un phénomène plus essentiel encore, qui est devenu l horizon absolu de la conscience occidentale : le changement était, à l âge classique, une transition entre deux moments de stabilité. Mais notre civilisation semble entrée, avec la modernité, dans une nouvelle ère, qui fait du mouvement la loi universelle. Si la vie est évolution, si l économie est croissance, si la politique est progrès, tout ce qui ne se transforme pas doit disparaître. S adapter, se réformer, rester dynamique, voilà nos vertus cardinales ; la mode remplace tous nos critères, le flux prend la place de l être, et le chiffre de la lettre.
Alors que la crise contemporaine qui touche le monde occidental porte le symptôme d une forme d épuisement intérieur, et alors que notre rapport à l’accélération actuelle des innovations technologiques sera le grand défi politique des années à venir, il importe d interroger, de façon à la fois approfondie et concrète, le déséquilibre créé par cette incapacité au repos, par cet oubli des stabilités les plus nécessaires à nos vies. Afin de redécouvrir ce que notre fascination pour le mouvement nous avait fait oublier : l essentiel de nos existences se trouve peut-être bien plus dans ce qui est reçu et transmis, que dans ce qui est transformé. Et ce qui donne sens aux changements que nous pouvons apporter, ce ne peut être que la stabilité d un but qui seul mérite notre effort. Il n est pas de création spontanée qui s épanouisse sans racines, pas de voyage vers l ailleurs qui ne suppose un domaine familier, pas de société qui s améliore sans chercher le bien dans ce qu il a d éternel. Ce qui rend possible le mouvement de toute vie, et ce qui lui donne un sens, c est toujours ce qui demeure.
Hommage à Michel Serres
Avec une pensée particulière pour le contrat naturel souvenir lointain déjà
Homo Domesticus
Partant sur les pistes de la formation des premiers véritables Etats de l’humanité, dans la Mésopotamie antique, James C. Scott nous livre un pavé dont il a le secret. Une approche stimulante, originale, qui a le mérite de contester toute nos idées reçus.
L’histoire se passe en Basse Mésopotamie dans la deuxième moitié du IVe millénaire avant notre ère. Pour qui, comme moi, ne s’était intéressé que de loin à cet espace-temps, ce livre peut réintérroger bien des représentations. J’en étais resté à une vision classique : les hommes se sont sédentarisés, ont inventés l’agriculture pour pouvoir répondre aux besoins d’une population croissante, et l’Etat a germé de la nécessaire organisation d’une société de plus en plus nombreuse et complexe.
Sauf que cette vision, ce « grand récit civilisationnel », comme on peut l’appeler, a grosso modo tout faux. Et a du être abandonné devant l’accumulation des preuves archéologiques.
— D’abord, la sédentarité a très largement précédé l’agriculture. Dans les zones humides de Basse Mésopotamie, celles-là mêmes qui verront naitre les premiers Etats, la gamme de ressources alimentaires était si vaste et si varié que les chasseurs cueilleurs pouvaient s’installer en villages, sans avoir besoin d’être mobiles.
— de deux, l’agriculture n’a pas été un acquis « une bonne fois pour toutes ». Sur plusieurs millénaires, des traces d’agriculture apparaissent puis disparaissent, cohabitent avec d’autres modes de subsistance. En fait Scott note que tout donne à croire que les humains aient fait le maximum pour éviter d’avoir à trop dépendre de l’agriculture – activité fatiguante et peu productive au regard des multiples modes de chasse, pêche et cueillettes qui existaient dans cette région. C’est encore plus marqué pour la domestication : impossible de tracer un « avant » et un « après », ça semble s’être fait petit à petit, avec des allers retours, selon les besoins du moment.
— de trois, même quand il y a eu sédentarité, agriculture et société nombreuse, cela n’a pas automatiquement donné une société avec Etat. En fait, de façon générale, Scott – sources à l’appui – avance qu’il a fallu 4000 ans pour qu’apparaissent les sociétés agropastorales que nous associons au début de la civilisation.
Ensuite, une autre partie du livre est consacrée à expliquer le fonctionnement de ces premiers Etats (plutôt des Cités-Etats), leurs relations entre eux principalement faite de concurrence, et de guerres avec captures de prisonniers (pas des guerres de conquête de territoire), mais aussi leurs effondrements. Car c’est une donnée amplement documenté en Mésopotamie mais aussi en Chine, pourtour méditerranéen et Amérique centrale : partout où les premiers Etats se formaient, ils s’écroulaient au bout de quelques siècles, voire quelques années. N’en découlait pas forcément le chaos, mais plutôt des populations plus dispersés, en petits villages, voire un retour vers de la mobilité de chasseurs-cueilleurs.
La vie n’était pas forcément meilleure sous le joug d’un Etat – au contraire. Scott s’emploie à montrer comment une des premières contraintes d’un Etat devait être de fixer sa population autour d’un point central, notamment par la force. Etat = appropriation d’un excédent alimentaire, grâce à la culture des céréale, au profit d’une minorité non productive (dirigeants, prêtres, soldats…). Avant l’apparition des Etats, on ne trouve guère trace d’inégalités marquées – même dans les sociétés complexes et nombreuses.
Thèse remarquable de Scott
Très bonne analyse de « Bequelune » 33400