Pauvres oiseaux

Sans commentaire
Sont loin les beaux discours et les bons sentiments affichés …

Nous n’avons pas eu gain de cause, les onze arrêtés sur la chasse traditionnelle des oiseaux n’ont pas été suspendus en urgence par le Conseil d’Etat.

Lundi 17 décembre 2018 a eu lieu l’audience au Conseil d’État concernant les onze arrêtés ministériels autorisant le piégeage d’oiseaux dans de nombreux départements de France, selon des méthodes traditionnelles et cruelles.
Sans préjuger de la décision, en sortant de l’audience nous sentions que la cour semblait sensible à nos arguments, ce qui n’a pas toujours été le cas au Conseil d’État. La présidente a par exemple interrompu notre avocat en pleine présentation pour lui dire qu’il n’avait pas besoin de renforcer son propos par des sources quand il disait que les oiseaux étaient intelligents et doués de sensibilité. Ils en étaient déjà convaincus. Nous espérions que cet état d’esprit guiderait les décisions prises. En vain.

Nous avons perdu cette bataille
Certes nous n’avons pas eu gain de cause pour l’ensemble des arrêtés ministériels. Nous avons cherché à convaincre qu’il fallait non seulement voir l’urgence pour chaque individu animal et non pour un « quota » désincarné mais aussi qu’il existait des incohérences entre ce que commandait la directive oiseaux *, et la réalité de ces arrêtés. Le ministère s’est réfugié derrière des considérations techniques et le Conseil d’Etat s’en est contenté. Soit.
Pour une partie des recours le Conseil d’Etat a considéré que la condition d’urgence n’était pas remplie car le nombre d’individus à tuer n’allait « entraîner qu’un prélèvement très modeste sur la population des oiseaux concernés qui n’[était] pas de nature à porter une atteinte suffisamment grave à la protection complète de ces espèces ». Cette atteinte considérée comme «pas suffisamment grave » par le Conseil d’Etat pour suspendre ces arrêtés va pourtant entraîner la mort de milliers d’oiseaux: vanneaux huppés et pluviers dorés dans les Ardennes, et alouettes des champs au moyen de pantes ou de matoles dans les Pyrénées-Atlantiques.
Pour l’autre partie des recours, le nombre d’oiseaux à tuer étant déjà atteint à la date de l’audience, il y a eu un non lieu. Autrement dit, pour les alouettes des champs en Gironde, dans les Landes ainsi que dans le Lot-et-Garonne, chassées au moyen de pantes et de matoles, pour les grives et merles noirs servant comme appelants capturés aux gluaux dans les Alpes de Haute Provence et dans les Alpes Maritimes, ainsi que dans les Bouches du Rhône, le Vaucluse et le Var, et pour les grives et merles noirs capturés au moyen de la tenderie dans les Ardennes : tous ont été tués à hauteur de ce qu’a signé le Ministre en septembre. Les chasseurs n’auront pas perdu de temps!
Ce combat pour un changement de société est de longue haleine. Considérons cela comme une bataille, certes perdue, mais qui ne doit pas nous décourager. Nous continuerons à les mener pour la défense et la protection des animaux contre la cruauté partout où cela sera nécessaire: sur les réseaux sociaux, dans la rue, au Parlement, au Ministère et en justice.
Des oiseaux protégés pris pour cible dans des pièges cruels, contre l’avis populaire
Beaucoup des oiseaux visés par ces arrêtés sont sur la liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature). Ils sont donc en danger au niveau européen. Pourtant notre pays obtient toujours de la commission européenne de pouvoir déroger à la règle pour des raisons culturelles… Les oiseaux des campagnes subissent depuis 15 ans une diminution massive de leur population, ce n’est pas pour rien qu’ils sont protégés.
Sans compter que les contrôles de l’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage) se basent sur des données déclaratives des chasseurs et piégeurs. Nous ne pouvons que déplorer le positionnement de cette institution, à la fois juge et partie. Nous l’avions déjà dénoncé, et demandons une réforme de la chasse dont l’encadrement doit être amélioré.
Les vanneaux, pluviers dorés, alouettes, grives, ou merles noirs, tous ceux d’un même gabarit sont pris indifféremment dans ces pièges aux noms abscons, et sont – ou non – relâchés ensuite par un chasseur ou un piégeur. Mais les pièges en tant que tels, eux, ne font pas de différence; cruels par essence, ils n’ont de raison d’être que la tradition, et le plaisir qu’éprouvent certains à les utiliser ! Ceux qui sont relâchés ont eux aussi les pattes ou ailes brisées, des plumes arrachées par les matoles, lègues ou pantes. Sans compter la souffrance psychologique bien réelle qu’ils ressentent.
Le gouvernement doit accompagner les évolutions de la société
Le pouvoir ne peut continuellement prendre des décisions qui impactent négativement la nature et ses habitants, et se gargariser de faire des efforts en matière de protection de l’environnement.
Mais les évolutions sont en cours là aussi : le ministère a admis lors de l’audience « une opposition sociétale très forte contre cette méthode de chasse. » La tradition ne doit pas primer sur la cruauté animale. Notre peuple est sensible à leur bien-être, et cela doit s’en ressentir dans les décisions prises.
Nous sommes impatients de l’expliquer dans le cadre du groupe de travail sur le bien-être animal au ministère de la Transition Écologique et Solidaire.
Continuez à signer notre pétition pour une réforme radicale de la chasse, pour réclamer l’abandon des méthodes traditionnelles de chasse.

* La directive oiseaux est une directive européenne. Elle exige que les États Membres de l’Union Européenne mettent en place des mesures pour protéger les oiseaux d’espèces sauvages qu’ils soient migratoires ou pas. Par exemple la chasse n’est autorisée que si les effectifs de la population concernée sont à un niveau « compatibles » avec le maintien de ces espèces à un niveau suffisant.

Jessica Lefèvre-Grave (One Voice)

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *